SHAFAQNA – On demande parfois pourquoi les Compagnons du Prophète (P) ont ignoré sa désignation claire de l’Imam Ali (AS) en tant que son successeur et leader des croyants. Après tout, ce sont ses Compagnons qui l’ont accompagné dans ses prédications et expéditions militaires, et peu de temps s’était écoulé entre le discours du Prophète (P) à Ghadir et sa mort.
Dans le présent chapitre, nous tenterons de répondre à cette question en étudiant l’histoire et en constatant que les Compagnons n’ont pas toujours suivi les commandements du Prophète (P) ; ignorer la proclamation de Ghadir n’était qu’un exemple de leur désobéissance.
Le Prophète (P) a nommé Ali (AS) comme son successeur, parce que c’était l’ordre de Dieu, et pour empêcher toute compétition pour le leadership (l’Imamat) de la Umma après sa mort. Dans une telle situation, on peut se demander pourquoi les Compagnons qui avaient fait tant de sacrifices en faveur de l’Islam, ont ignoré l’ordre du Prophète (P) concernant l’autorité (la Wilayat) de l’Imam Ali (AS), et ont accordé la direction des musulmans aux autres.
Une enquête sur les Compagnons du Prophète (P) révèle le fait que, malgré toutes les louanges qui leur ont été accordées, beaucoup d’entre eux ne se soumettaient pas entièrement à Dieu, et préféraient parfois leurs propres décisions personnelles aux ordres de Dieu.
De nombreux exemples de leur désobéissance peuvent être trouvés à la fois dans les versets du Coran et dans les hadiths, tous ceux-ci ont été enregistrés dans le livre Al-Nass wa l-Ijtihad de Seyyed Sharaf Al-Din Al-ʾAmili.
Et certains des cas seront examinés ci-dessous.
La résistance aux décisions et aux jugements du Prophète (P)
Un verset de la sourate An-Nisaʾ montre que certains Compagnons du Prophète (P), n’ont pas toujours pleinement accepté ses jugements : « Non !… Par ton Seigneur ! Ils ne seront pas croyants aussi longtemps qu’ils ne t’auront demandé de juger de leurs disputes et qu’ils n’auront éprouvé nulle angoisse pour ce que tu auras décidé, et qu’ils se soumettent complètement [à ta sentence]. » (An-Nisaʾ: 65)
Le Coran souligne que l’acceptation des jugements du Prophète (P) est un signe de la foi de l’homme en Dieu, tandis que le rejet de ses jugements le rendrait mécréant.
Cet avertissement suppose une désobéissance absolue aux décisions et jugements du Prophète (P).
La désobéissance à la bataille de Badr
Lors de la bataille de Badr, certains musulmans ont pris quelques mécréants en captivité afin de recevoir une rançon pour leur libération, alors que cela n’aurait dû être fait qu’après la fin de la guerre. Dieu a critiqué leur action en révélant le verset suivant : « N’eût-été une prescription préalable d’Allah, un énorme châtiment vous aurait touché pour ce que vous avez pris [de la rançon]. » ( Al-Anfal : 68)
Ce verset s’applique aux Compagnons du Prophète (P) qui ont pris part à la bataille de Badr, dont certains étaient parmi les meilleurs martyrs de l’Islam.
Si ces Compagnons ont désobéi à Dieu de cette manière, que pourrions-nous dire des Compagnons inférieurs?
La désobéissance dans la bataille d’Uhud
En l’an 624, Abu Sufyan se prépara à attaquer Médine et campa ses forces au mont Uhud. Le Prophète (P) rassembla une armée pour les combattre et ordonna à cinquante soldats, sous la direction d’Abd Allah ibn Jubayr, de prendre position à un endroit appelé Jabal Aynayn pour protéger l’arrière de l’armée musulmane contre les attaques. Le Prophète (P) insista pour qu’ils y restent, peu importe si les musulmans aient été vaincus ou victorieux. Malgré l’insistance du Prophète (P), quarante archers considérèrent que leur présence à cet endroit n’était pas nécessaire et lorsqu’ils virent que les musulmans étaient sur le point de vaincre l’ennemi, contre l’avis de leur commandant, ils abandonnèrent leurs positions pour ramasser du butin.
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En conséquence, Khalid ibn Walid, à la tête de la cavalerie ennemie, saisit l’occasion et attaqua la position non gardée, tuant les dix soldats restants avant d’attaquer l’armée musulmane par derrière et de transformer leur victoire en défaite. (Ibn Hichâm, Sîra, 3/83)
Les objections au traité d’Houdaybiya
En l’an 627, le Prophète (P) partit pour La Mecque pour accomplir les rites du Hajj avec certains de ses Compagnons, mais ils n’étaient pas équipés pour la guerre. Lorsqu’ils atteignirent un endroit appelé Houdaybiya qui se trouvait à la périphérie de La Mecque à l’époque, les mécréants ne les laissèrent pas passer. Pour cette raison, les deux parties ont convenu qu’aucun Hajj ne devrait être effectué cette année-là, mais que l’année suivante, les musulmans seraient autorisés à accomplir leurs rituels.
Umar ibn Khattab était mécontent de cet accord et demanda furieusement : « Cet accord ne sera-t-il pas une honte pour nous dans notre religion ? » (Ibn Hichâm, Sîra, 2/317)
Umar et ses amis partageant les mêmes idées ont été persuadés après avoir parlé au Prophète (P), et les événements futurs ont révélé que l’accord apportait de nombreux avantages pour les musulmans et l’Islam.
Seulement deux ans après l’accord, La Mecque a été capturée par les musulmans et la Kaaba a été débarrassée des idoles.
L’armée d’Ousama
Lorsque le Prophète (P) gisait sur son lit de mort, il décida d’envoyer une armée pour combattre une force byzantine qui menaçait Médine. Il rassembla une armée, fit d’Ousama ibn Zayd leur commandant et lui ordonna de partir le plus tôt possible. Il insista tellement pour le faire que malgré sa grave maladie, il répéta à plusieurs reprises : « Préparez l’armée d’Ousama ! La malédiction de Dieu soit sur ceux qui restent en arrière ! »
Cet événement a divisé les musulmans en deux groupes : ceux qui ont insisté pour partir et ceux qui ont insisté pour rester. Ce dernier groupe a soutenu que la santé du Prophète (P) s’empirait et qu’ils ne pouvaient pas tolérer d’être loin du Prophète (P). Ils voulaient rester jusqu’à ce que la situation du Prophète (P) se stabilise. (Shahrestani, AL-Milal wa al-Nihal, 1/29-30)
Tabari, décrivant les événements du 632, rapporte que certains des Compagnons ne considéraient pas Ousama capable de diriger l’armée et ont donc refusé de l’accompagner dans la guerre.
Lorsque le Prophète (P) entendit parler de cette désobéissance, il dit : « Il est digne de commander l’armée. Vous disiez les mêmes choses avant alors qu’il était capable de commander. » (Tabari, Histoire, 2/29)
La Calamité du jeudi
Il y a aussi un autre exemple de la désobéissance des Compagnons, qui concerne les derniers jours de la vie du Prophète (P). Selon Ibn Abbas, lorsque la santé du Prophète (P) s’empira dans les derniers jours de sa vie, (un jeudi) il ordonna à ceux qui étaient assemblés : « Apportez-moi de l’encre et du papier afin que je puisse écrire quelque chose qui vous empêchera de vous égarer. » Umar expliqua que le Prophète (P) était extrêmement malade et que le Livre de Dieu leur suffisait. Ainsi, une querelle éclata entre ceux qui insistaient pour apporter de l’encre et du papier et d’autres qui refusaient.
Le Prophète (P) qui était irrité contre l’agitation et la querelle ordonna : « Levez- vous et allez- vous-en ! Comment avez- vous pu vous quereller devant moi ? » Ibn Abbas ajoute : « Tous les problèmes ont commencé ce jour-là quand ils n’ont pas laissé le Prophète (P) écrire sa lettre. »[1] (Bukhari, Kitab al-ʿIlm, Hadith N° 114)
Les cas ci-dessus étaient un certain nombre de désobéissances manifestes des Compagnons du Prophète (P) à ses décisions, ordres et jugements, qui révèlent tous qu’ignorer les ordres du Prophète (P) n’était pas un événement rare parmi ses Compagnons et qu’ils pouvaient facilement s’opposer à la désignation d’Ali (AS) par le Prophète (P), comme son successeur.
Avec cette période de temps qui nous sépare de l’époque du Prophète (P), nous pourrions croire à tort que ses Compagnons ont toujours été soumis à Dieu et aux ordres du Prophète (P) alors qu’en fait, ils étaient à l’origine des mécréants qui s’étaient convertis à l’Islam. Certains d’entre eux se soumettaient simplement aux ordres divins et certains d’entre eux pensaient généralement à leur propre gain et intérêts personnels. Au moins, nous pouvons dire que tous ces Compagnons n’étaient pas innocents ou infaillibles.
Ce texte est traduit par shafaqna Français
Note:
1- La plus grande calamité et le plus grand malheur se sont produits ce jour-là, car le Prophète a été empêché d’écrire ce qu’il voulait.
Source : Shīa Islam: History and Doctrines, Ayatullāh Jaʿfar Subḥānī, Chapter 5