New York : comment Donald Trump instrumentalise l’attentat

by Reza
Trump-Shafaqna

SHAFAQNA – L’Obs : C’était il y a un mois, jour pour jour. Le 1er octobre, depuis un immeuble de Las Vegas, Stephen Paddock, un homme de 64 ans, ouvrait le feu sur la foule, tuant 58 personnes. Dans une brève déclaration depuis la Maison-Blanche, Donald Trump avait alors dénoncé un acte qui représente “le mal absolu” et appelé l’Amérique à l’unité et la prière. Mais alors que les Etats-Unis venaient d’être frappés par la fusillade la plus meurtrière de leur histoire moderne, le président américain n’avait en revanche pas dit un mot sur la question des armes à feu. Sa porte-parole jugeait alors ce débat “prématuré”, refusant de “politiser” la tragédie.

Le 45e président des Etats-Unis est loin d’avoir fait preuve de la même prudence et de la même retenue après l’attentat de New York, où huit personnes ont été tuées, mardi 31 octobre. Très vite après le drame, Donald Trump s’est exprimé sur Twitter, multipliant les déclarations fracassantes pour dénoncer un système d’immigration trop laxiste à son goût, blâmer certains responsables démocrates, et appeler à des mesures fortes.

Peine de mort, Guantánamo…

Quelques heures après l’attaque, Donald Trump s’en est d’abord pris au processus d’octroi de visas par loterie, dont Sayfullo Saipov, cet Ouzbek de 29 ans arrivé aux Etats-Unis en 2010, aurait bénéficié. “Je lance aujourd’hui le processus d’interruption du programme de loterie de visas de diversité”, a-t-il annoncé.

Mais le président américain ne s’est pas contenté de cette annonce. Il a également mis directement en cause la responsabilité des démocrates, et en particulier celle du sénateur de New York Chuck Schumer, l’un des promoteurs de ce fameux programme, en vigueur depuis une vingtaine d’années. “Le terroriste est arrivé dans notre pays à travers ce qu’on appelle le programme de loterie de visas diversité. Une merveille, selon Chuck Schumer. Je veux une sélection au mérite”, a-t-il tweeté, bien plus prompt qu’il y a un mois à “politiser” un tel drame.

“Le président Trump, plutôt que de politiser et de diviser les Etats-Unis, ce qu’il semble toujours faire en des temps de tragédie nationale, devrait se concentrer sur la véritable solution – le financement antiterroriste –qu’il a proposé de réduire dans son dernier budget”, a répliqué le démocrate.

Par ailleurs, si Chuck Schumer a indiscutablement œuvré pour ce programme, la loi générale l’incluant a été votée par des démocrates et des républicains, puis signée par le président républicain George Bush senior…

La réponse de Trump ne s’est pas arrêtée à la désignation d’un coupable et à la stigmatisation du camp démocrate. Le président américain a surenchéri mercredi 1er novembre, dès le lendemain de l’attentat. Après avoir évoqué la possibilité d’envoyer Sayfullo Saipov à Guantánamo, la très controversée base américaine à Cuba qui sert de centre de détention des individus accusés d’avoir participé à des entreprises djihadistes, et l’avoir qualifié d'”animal”, Donald Trump a plaidé sur son compte Twitter pour que la peine de mort soit infligée à l’auteur de l’attentat de New York.

“Le terroriste de NYC était satisfait et a demandé que le drapeau de l’EI soit accroché dans sa chambre d’hôpital. Il a tué 8 personnes et en a grièvement blessé 12. IL DEVRAIT ETRE CONDAMNE A MORT !”, a-t-il écrit sur le réseau social.

Moins on parle de l’enquête russe…

Ce contraste fort entre l’attitude adoptée par Trump après la fusillade de Las Vegas et celle qui a suivi l’attaque de New York tient évidemment en grande partie à l’origine étrangère du tueur. Contrairement à Las Vegas, l’attentat de Manhattan permet à Donald Trump de cogner et de surfer sur ses thèmes favoris, à savoir l’immigration et l’islam.

En plus d’occulter les propres responsabilités du gouvernement, les déclarations fracassantes de Trump à l’encontre de Chuck Schumer lui permettent de dénoncer à nouveau les failles supposées du système d’immigration américain et d’envoyer des signaux à son électorat, le chef d’Etat américain s’étant fait élire en grande partie sur des promesses de resserrement des frontières.

Le chef de la Maison-Blanche a, ici, l’occasion de reprendre la main politiquement alors qu’il a pour l’instant subi plusieurs échecs sur ce sujet, trois versions successives de décrets anti-immigration ayant été tour à tour suspendues par des juges. En plus de cibler de façon discriminatoire les musulmans, les décrets présidentiels ont été contestés quant à leur efficacité, les attaques les plus graves commises aux Etats-Unis depuis 2001 ayant été commises soit par des Américains, soit par des ressortissants ne provenant pas des pays visés par ces textes.

Trois proches de Trump inculpés : “Le procureur vient de lui déclarer la guerre”Cette instrumentalisation politique de l’attentat peut également s’expliquer par les déboires actuels du président américain, après de nouvelles révélations sur l’ingérence russe lors de la présidentielle 2016 et l’inculpation de trois ex-conseillers du candidat républicain. L’un d’entre eux, George Papadopoulos, est directement impliqué pour des contacts approfondis avec des intermédiaires russes… Car plus on parle de l’attentat de New York, moins on parle de cette affaire extrêmement embarrassante qui a pollué le début de semaine de la présidence américaine et qui menace d’entraver durablement l’action de Trump.

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