L’Iran poursuit sa transition vers l’économie du savoir

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SHAFAQNA – Le 19 mai 2017, Hassan Rohani a été réélu Président de l’Iran. Parmi les défis qu’il aura à relever pendant son deuxième mandat, la poursuite de la transition engagée par le pays vers une économie du savoir, alors que l’afflux d’investissements étrangers se fait attendre.

L’économie iranienne a renoué avec la croissance en 2016 (environ 6,4%), mais ce rebond doit beaucoup à la reprise des exportations massives de pétrole depuis que l’accord final sur le nucléaire a été avalisé par le Conseil de sécurité des Nations Unies, ouvrant la voie à la levée des sanctions. Selon la Banque mondiale(1), l’intégration du secteur bancaire iranien dans le système bancaire mondial s’est enlisée depuis la levée des sanctions. Cela a suffi pour ralentir l’afflux d’investissements étrangers et le commerce international dont le secteur non-pétrolier iranien aura pourtant besoin pour s’épanouir.

Créer de la richesse en s’appuyant sur son capital humain

Le Rapport de l’UNESCO sur la science rappelle que, dès 2005, le gouvernement iranien s’était fixé l’objectif d’engager la transition vers une économie du savoir. Cet objectif figure dans son plan de développement à l’horizon 2025, Vision 2025.

Cette transition est devenue une priorité absolue avec le renforcement progressif des sanctions à partir de 2006 et, comme corollaire, le durcissement de l’embargo sur les exportations de pétrole. En février 2014, le Guide suprême Ayatollah Ali Khamenei a introduit ce qu’il a appelé « l’économie de résistance », un plan économique axée sur l’innovation et la substitution de produits d’importation qui rappelle certaines des principales dispositions de Vision 2025.

Vision 2025 a fait prendre conscience aux décideurs que, désormais, ils devaient puiser dans le capital humain national, et non plus uniquement dans les industries d’extraction, pour créer de la richesse. Cette prise de conscience a donné lieu à des mesures incitatives destinées à augmenter le nombre d’étudiants et de chercheurs universitaires, ainsi qu’à encourager la recherche orientée vers la résolution de problèmes et le développement industriel.

Afin d’axer 50 % de la recherche universitaire sur les besoins socioéconomiques et la résolution de problèmes, par exemple, la promotion des chercheurs a été liée, dans le cinquième Plan de développement économique (2010-2015), à l’orientation de leurs projets. De plus, des centres de recherche et de technologie ont été créés sur les campus et l’on a incité les universités à nouer des liens avec le secteur industriel.

Vision 2025 prévoit un investissement de 3 700 milliards de dollars des États-Unis d’ici 2025 pour financer la transition vers une économie du savoir, dont un peu plus d’un tiers (1 300 milliards de dollars É.-U.) provenant de sources étrangères. Jusqu’ici, les investissements étrangers se sont faits rares ; depuis 2006, ils contribuent moins d’1% du PIB – voire 0,5% en 2014.

Une part importante des 3 700 milliards de dollars d’investissement doit aider les entreprises axées sur le savoir à investir dans la recherche et à commercialiser les résultats de leurs recherches. Une loi votée en 2010 instaure à cette fin le Fonds pour l’innovation et la prospérité. Selon son président, Behzad Soltani, 4 600 milliards de rials iraniens (environ 171,4 millions de dollars É.-U) avaient été alloués à 100 entreprises axées sur le savoir fin 2014. Des universités publiques et privées souhaitant établir des entreprises privées peuvent également faire appel au fonds.

Quelque 0,7% du PIB a été alloué à la recherche-développement en 2008, contre 0,3% quatre ans plus tard. En 2008, les entreprises iraniennes ont contribué pour environ 11% aux dépenses globales de la recherche. Le gouvernement consacre son budget limité à l’appui aux petites entreprises innovantes, aux incubateurs d’entreprises et aux parcs scientifiques et technologiques, c’est-à-dire à des types d’entreprises qui emploient des jeunes diplômés.

La plupart des entreprises de haute technologie sont publiques

Parmi les 37 secteurs d’activité côtés sur la bourse de Téhéran figurent la pétrochimie, l’automobile, l’extraction minière, l’acier, le fer, le cuivre, l’agriculture et les télécommunications. Le Rapport de l’UNESCO sur la science rappelle que « cette situation ne possède pas d’équivalent au Moyen-Orient ».

Un Fonds national de développement a été créé dans le cadre du Cinquième Plan de développement économique pour financer les efforts de diversification de l’économie. En 2013, il percevait 26 % des recettes du pétrole et du gaz.

La plupart des entreprises de haute technologie iraniennes sont publiques, y compris dans l’automobile et la pharmaceutique, malgré l’ambition affichée d’en privatiser 80% avant fin 2014. On estime à 30% la part du secteur privé dans la pharmaceutique en 2014.

L’Organisation pour le développement industriel et la rénovation (IDRO) contrôle environ 290 des entreprises publiques. En 2010, elle a mis en place un fonds de roulement pour financer les étapes intermédiaires du développement commercial fondé sur les produits et les technologies. Elle a également créé dans chaque secteur de haute technologie des sociétés chargées spécifiquement de coordonner les investissements et le développement commercial. Ces entités sont la Life Science Development Company, Information Technology Development Centre, Iran InfoTech Development Company et Emad Semiconductor Company.

L’accès à internet sera vital pour le développement de l’économie du savoir. Dans un entretien accorde à NBC News en septembre 2013, le Président Rohani affirmait vouloir élargir la pénétration d’internet, alors que 31% des Iraniens y avait accès. « Nous souhaitons que les citoyens jouissent d’une liberté totale dans la sphère privée », a-t-il dit. « Dans le monde d’aujourd’hui, tous les peuples ont droit à l’accès à l’information, à la liberté de parole et à la liberté de pensée, y compris les Iraniens. Les gens doivent pouvoir accéder sans restriction aux informations du monde entier ». En 2016, un Iranien sur deux (49%) avait accès à internet.

Montée en flèche des inscriptions universitaires

Les décideurs se sont efforcés d’augmenter le nombre de chercheurs universitaires, conformément aux directives de Vision 2025. A cette fin, l’engagement des pouvoirs publics en faveur de l’enseignement supérieur est passe à 1 % du PIB en 2006. Ce niveau n’a que légèrement fléchi (à 0,86 % du PIB en 2015), alors même que les dépenses publiques consacrées à l’éducation chutaient globalement de 4,7 % (2007) à 2,9 % (2015) du PIB.

Il en est résulté une forte progression du nombre d’étudiants de troisième cycle. Entre 2007 et 2013, le nombre d’inscriptions dans les universités publiques et privées du pays a grimpé de 2,8 millions à 4,4 millions. Les femmes étaient plus nombreuses que les hommes en 2007 mais leur proportion a connu depuis un léger recul (48 %). Environ 45 % des étudiants étaient inscrits dans des universités privées en 2011.

Les disciplines les plus prisées sont les sciences sociales (1,9 million d’étudiants, dont 1,1 million de femmes) et l’ingénierie (1,5 million, dont 373 415 femmes). Les femmes constituent les deux tiers des étudiants en médecine.

Un bachelier sur huit s’inscrit en master. Ce taux est comparable avec celui de la République de Corée (un sur sept) et du Japon (un sur dix).

Les sciences et l’ingénierie attirent davantage de diplômés

Le nombre de titulaires de doctorat a progressé à un rythme similaire. Les sciences naturelles et l’ingénierie ont gagné en popularité auprès des deux sexes, même si les hommes prédominent toujours dans l’ingénierie. En 2012, les femmes constituaient un tiers des titulaires de doctorat, notamment dans les domaines de la sante (40 %), des sciences naturelles (39 %), de l’agronomie (33 %) et des arts et sciences humaines (31 %). Selon l’Institut de statistique de l’UNESCO, 38 % des étudiants en master et des doctorants avaient choisi des disciplines en rapport avec la science et la technologie en 2011.

Autre évolution intéressante : alors que la proportion de femmes titulaires d’un doctorat dans le secteur de la santé est restée stable entre 2007 et 2012 (38-39 %), elle a augmenté dans les trois autres grands domaines. La progression la plus spectaculaire concerne l’agronomie, ou le pourcentage de femmes titulaires d’un doctorat est passé de 4 % à 33 %, mais on observe également une nette augmentation dans les sciences (de 28 % à 39 %) et l’ingénierie (de 8 % à 16 %).

Bien qu’il n’existe pas de données sur le nombre de titulaires de doctorat choisissant de faire carrière dans les universités, le niveau relativement modeste des dépenses en recherche-développement laisse à penser que la recherche universitaire n’est pas suffisamment financée. L’objectif de 3 % du PIB consacrés a la recherche en 2015 fixé par le cinquième Plan quinquennal de développement (2010-2015) parait pour le moins optimiste.

Forte augmentation des effectifs de recherche

Selon l’Institut de statistiques de l’UNESCO, le nombre de chercheurs (en équivalent temps plein) est passé de 711 à 736 par million d’habitants entre 2009 et 2010. Cela correspond à une augmentation de plus de 2 000 chercheurs en un an, soit une hausse de 52 256 à 54 813 chercheurs. La moyenne mondiale est de 1 083 chercheurs par million d’habitants. Un chercheur iranien sur quatre est une femme (26%), un chiffre proche de la moyenne mondiale (28 %).

En 2008, la moitié des chercheurs étaient employés par les universités (51,5 %), un tiers par le secteur public (33,6 %) et un peu moins d’un sur sept par le secteur privé (15,0 %). Au sein des entreprises, 22 % des chercheurs étaient des femmes en 2013, une situation qu’on retrouve également en Irlande, en Israël, en Italie et en Norvège.

« Des données plus récentes, quand elles seront disponibles, montreront peut-être que le secteur privé a recruté davantage de chercheurs qu’auparavant » depuis 2010, suggère le rapport. Entre 2006 et 2011, le nombre d’entreprises déclarant mener des activités de recherche-développement a plus que doublé, passant de 30 935 à 64 642. Le durcissement des sanctions depuis 2011 a conduit l’économie iranienne à se recentrer sur son marché intérieur. En dressant des obstacles aux importations étrangères, les sanctions ont incité les entreprises axées sur le savoir à produire localement.

Une volonté d’ouverture

En 2013, les universités iraniennes accueillaient environ 14 000 étudiants étrangers, majoritairement originaires d’Afghanistan, d’Iraq, du Pakistan, de Syrie et de Turquie. Le cinquième Plan quinquennal de développement économique a fixé l’objectif d’attirer 25 000 étudiants étrangers d’ici 2015.

Dans un discours délivré à l’Université de Téhéran en octobre 2014, le Président Rohani a recommandé une plus forte interaction avec le monde extérieur. Il a déclaré que « l’évolution scientifique sera rendue possible par la critique […] et l’expression d’idées différentes. […] Le progrès scientifique nécessite d’être relié au monde. […] Nous devons entretenir des relations avec le monde non seulement en matière de diplomatie, mais aussi dans les domaines de l’économie, des sciences et de la technologie. […] Je pense qu’il faut inviter des professeurs étrangers à venir en Iran, envoyer nos professeurs à l’étranger et même créer une université en langue anglaise pour attirer les étudiants étrangers ».

Selon le rapport, le jumelage entre universités aux fins d’enseignement et de recherche et les échanges d’étudiants reste embryonnaire pour l’heure. Ceci dit, un doctorant sur quatre (25,7% en 2012) étudie à l’étranger. Les destinations les plus prisées sont la Malaisie, les États-Unis, le Canada, l’Australie, le Royaume Uni, la France, la Suède et l’Italie. En 2012, un étudiant international sur sept en Malaisie était d’origine iranienne. Non seulement la Malaisie est l’un des rares pays à ne pas imposer de visa aux Iraniens, mais c’est aussi un pays musulman au niveau de revenu similaire.

Si, du fait des sanctions, l’Iran a déplacé ses relations commerciales de l’Ouest vers l’Est au profit de nouveaux partenaires, la collaboration scientifique demeure largement orientée vers les pays occidentaux. Entre 2008 et 2014, les partenaires privilégiés de l’Iran dans ce domaine étaient, en ordre décroissant, les États-Unis, le Canada, le Royaume Uni et l’Allemagne. Pendant cette période, les scientifiques iraniens ont cosigné deux fois plus d’articles avec leurs homologues américains (6 377) qu’avec des Canadiens (3 433) ou des Britanniques (3 318).

Par ailleurs, l’Iran a déposé une demande officielle d’adhésion au projet de construction, en France, d’un réacteur thermonucléaire expérimental international basé sur la fusion nucléaire (ITER), destiné à voir le jour en 2018. Ce mégaprojet développe la technologie des futures centrales électriques de fusion nucléaire. Le projet implique la Chine, l’Union européenne, ainsi que la Chine, l’Inde, le Japon, la République de Corée, la Fédération de Russie et les États-Unis. Une équipe d’ITER s’est rendue en Iran en novembre 2016, afin d’approfondir sa connaissance des programmes iraniens relatifs à la fusion nucléaire(2).

L’Iran accueille plusieurs centres de recherche internationaux, dont les trois suivants, créés au cours des cinq dernières années sous l’égide des Nations Unies : le Centre régional pour le développement des parcs scientifiques et des pépinières technologiques (UNESCO, créé en 2010), le Centre international de nanotechnologies, ayant pour mandat la purification de l’eau (ONUDI, créé en 2012) et le Centre régional d’enseignement et de recherche en océanographie pour l’Asie occidentale (UNESCO, créé en 2014).

L’Iran est en train de renforcer sa collaboration avec les pays en développement. En 2008, son Conseil d’initiative en matière de nanotechnologie a créé le réseau Econano afin de promouvoir le développement scientifique et industriel de la nanotechnologie chez les autres membres de l’Organisation de coopération économique, à savoir l’Afghanistan, l’Azerbaijan, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Pakistan, le Tadjikistan, la Turquie, le Turkménistan et l’Ouzbékistan. Dans un premier temps, le Centre régional pour le développement des parcs scientifiques et des pépinières technologiques cible ces mêmes pays. Il leur conseille comment développer leurs propres parcs scientifiques et pépinières technologiques.

La Malaisie est le cinquième collaborateur le plus proche de l’Iran en matière scientifique, à en juger par le nombre de leurs publications conjointes. L’Inde arrive en dixième position, après l’Australie, la France, l’Italie et le Japon.

Un quart des articles iraniens étaient cosignés par des chercheurs étrangers en 2014, un chiffre stable par rapport à 2002. Ces dernières années, l’une des priorités de la politique scientifique a été d’encourager les scientifiques à publier dans des revues internationales, conformément, là encore, aux dispositions de Vision 2025.

Le nombre d’articles scientifiques a considérablement augmenté depuis 2005, selon la base de données de Thomson Reuters (Science Citation Index Expanded). Les scientifiques iraniens publient maintenant abondamment dans des revues internationales d’ingénierie et de chimie, mais aussi de sciences de la vie et de physique. Cette tendance n’est pas étrangère au fait que les programmes de doctorat iraniens exigent désormais que les étudiants publient sur le Web of Science. Les femmes ne signent qu’environ 13 % des articles, principalement dans les domaines de la chimie, de la médecine et des sciences sociales.

(1) Banque mondiale (2016) Profil d’Iran
(2) ITER team visits Iran (2016)

Source : Adapté de : Ashtarian, K. (2015) Iran. Dans : Rapport de l’UNESCO sur la science : vers 2030; chapitre intégral sur l’Iran (via unesco.org)

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