L’Homme Parfait d’après le Coran et la tradition

by Za As
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SHAFAQNA – Tahoor : Dans la vision islamique du monde, l’homme n’est pas seulement un animal bipède doué de la station debout, possédant des ongles larges et capable de parler. Cet être est beaucoup plus profond et plus énigmatique pour qu’on puisse en parler en quelques mots. Le Coran contient des éloges de l’homme, en même temps qu’il lui adresse des blâmes et des remontrances. Dans le Coran, les plus beaux éloges et les reproches les plus sévères sont adressés à l’homme. Il est décrit comme supérieur aux anges, aux cieux et à la terre, et d’un autre côté, il est décrit comme pire que les animaux quadrupèdes. Le Coran reconnaît à l’homme la capacité de dominer à son profit l’univers entier, et mettre à son service les anges célestes, mais il peut aussi tomber plus bas que bas. L’homme a la possibilité de décider pour tout ce qui le concerne et de se tracer sa destinée.

Peut-on alors dire que l’homme est doté d’une double nature : une nature lumineuse pour décider d’agir en bien, et une nature obscure pour choisir de faire le mal ? Serait-ce pour cette raison que le Coran lui attribue des qualités positives élevées et sublimes et aussi une capacité au mal sans limite ? En réalité, il n’en est pas ainsi.

La position du Coran peut être formulée ainsi : l’homme possède en puissance toutes les perfections. Il doit les faire passer de la potentialité à l’acte, il incombe à l’homme de mener à bien cette tâche et de tailler son chemin.

La condition principale permettant à l’homme de réaliser en acte les perfections potentielles enfouies en lui est la foi, al-imân.

La foi engendre la piété, les bonnes œuvres et l’effort sur la voie de Dieu. C’est par le moyen de la foi que la science passe d’un statut d’outil de l’injustice entre les mains de l’âme concupiscente à celui d’un statut d’instrument utile et profitable aux hommes.

Ainsi, l’homme réel qui est le lieu-tenant de Dieu sur terre, a été honoré par le fait que les anges se sont agenouillés devant lui. Tout a été créé pour lui (1) , et il possède toutes les perfections.

« Et Il vous a assujetti tout ce qui est dans les cieux et sur la terre, le tout venant de Lui. Il y a là des signes pour des gens qui réfléchissent. » (Sourate Al-Jâthiya (L’agenouillée) ; 45 : 13)

Il s’agit ici de l’homme plus la foi, pas de l’homme moins la foi. L’homme sans la foi est défectueux et imparfait.

L’homme qui n’a pas de foi et qui se proclame comme tel ne voit aucune utilité à chercher une perfection ou à se comporter selon des principes moraux ou d’utilité publique. Un tel homme pourrait se laisser glisser sur la pente du mal jusqu’à devenir avide, envieux, avare, méchant, rancunier, impie, paresseux, se laisser dominer par d’autres défauts moraux et il pourrait n’y voir rien de dégradant ni d’humiliant pour sa personne, parce que le sens de l’amour propre est justement ce qu’il perd en premier.

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Dans le Coran, il existe des versets qui définissent qui est l’homme à qui sont adressés les louanges de la part de Dieu, et qui est l’homme qui fait l’objet de blâmes. De ces versets, on a pu déduire que l’homme dépourvu de foi et éloigné de Dieu n’est pas réellement un homme.

Quand l’homme s’attache à l’unique réalité en laquelle il a foi et qu’il ne cesse de se la remémorer, il réunit toutes les perfections possibles. Mais quand il reste distant à l’égard de cette réalité, c’est-à-dire Dieu, il devient semblable à un arbre arraché de ses racines, ne recevant nulle nourriture, nulle sève. Ces versets sont par exemple :

« Par le temps ! L’homme est certes, en perdition ; sauf ceux qui croient et accomplissent des bonnes œuvres, s’enjoignent mutuellement la vérité et s’enjoignent mutuellement la patience. » (Sourate Al-‘Asr (Le temps) ; 103 : 1 à 3)

« Nous avons destiné beaucoup de djinns et d’hommes pour l’Enfer. Ils ont des cœurs, mais ne comprennent pas. Ils ont des yeux, mais ne voient pas. Ils ont des oreilles, mais n’entendent pas. Ceux-là sont comme les bestiaux, même plus égarés encore. Tels sont les insouciants. » (Sourate, Al- A’râf ; 7 : 179)

Selon les critères de l’islam, est un homme celui qui se soucie de sa relation avec Dieu, et comme il a Dieu à l’esprit, il a aussi le souci des hommes. Le Coran dit au sujet du Noble Prophète (s) :

« Tu vas peut-être te consumer de chagrin parce qu’ils se détournent de toi et ne croient pas en ce discours. » (Sourate Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 6)

Le Prophète (s) était inquiet, si profondément soucieux d’assurer le bonheur de ses contemporains, de les guider et de les libérer de leurs liens à ce monde, qu’il se morfondait de chagrin. Le Coran lui rappelle qu’il n’a pas à risquer sa vie à cause de ce que font les gens.

« TaHa. Nous n’avons pas fait descendre le Coran pour que tu sois malheureux, si ce n’est qu’un Rappel pour celui qui redoute [Allah]. » (Sourate Tâhâ ; 20 : 1 à 3)

L’être humain est une personne et une personnalité, un corps et un esprit. Ce qui relève de la psychologie est différent de ce qui relève du corps. Ce qui est désigné par Homme Parfait ne prend pas en compte les défauts du corps et sa santé. Un homme peut être atteint de maladie ou de déficience mentale, tout comme il peut être indemne de ces défauts.

Le Coran a confirmé cela : parlant des incroyants, il dit : « Il y a dans leurs cœurs une maladie [de doute et d’hypocrisie], et Allah laisse croître leur maladie. » (Sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 10)

Pour dire qu’ils ne « voient pas », le Coran ne dit pas qu’ils souffrent d’une maladie des yeux, ni même de la cécité. Il dit que « dans leurs cœurs », il y a une maladie que Dieu aggrave. Le cœur dont il est question ici n’est pas l’organe physique en forme de cône de pin responsable de la circulation du sang, mais l’âme en tant qu’organe de la vie, susceptible de bonne santé et aussi sujet à la maladie. Pour ce genre de pathologie, c’est au médecin de l’âme qu’il faut s’adresser.

Parlant du Coran, Dieu dit : « Du Coran, Nous ne faisons descendre que ce qui apporte aux croyants, guérison et miséricorde… » (Sourate Al-Isrâ (Le voyage nocturne) ; 17 : 82).

L’une des intentions coraniques est d’« édifier » un homme sain et le mot cœur dans le Coran signifie le siège de l’âme. Avant d’espérer devenir un homme parfait ou proche de la perfection, nous devons nous assurer si nous sommes un être humain sain ou un homme souffrant de quelque handicap. Ainsi, la perfection varie d’un être à l’autre. Par exemple, un homme parfait est différent d’un ange parfait. Si un ange réalise son angélité de façon parfaite, jusqu’au degré suprême de la perfection angélique, cela sera différent d’un homme qui aura porté son humanité à la limite supérieure de la perfection.

Les anges sont des êtres qui sont créés de l’intelligence pure, de la pensée pure. Ce qui veut dire qu’en eux il n’existe aucune dimension terrestre, matérielle, sensuelle, colérique et autres choses de ce genre.

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Les animaux eux sont purement matériels, créés de terre, et sont dépourvus de ce que le Coran nomme esprit divin. C’est l’homme qui en tant que la plus noble des créatures, ashraf-e makhluqât, est un être composé de ce qui est propre aux anges et de ce qui est propre aux êtres terrestres. Il relève à la fois du royaume céleste ou suprasensible, et du royaume terrestre, du monde supérieur aussi bien que du monde inférieur. Certains sont créés de lumière pure, et certains autres, c’est-à-dire les animaux, ont été créés de colère et de désir. Dieu a créé l’homme avec un mélange des deux « matières ».

Par conséquent, l’homme parfait diffère aussi d’un ange parfait, de la même façon qu’il diffère d’un animal parfait (par exemple d’un cheval idéal ayant la perfection de la race chevaline). La différence de l’homme d’avec l’ange ou l’animal s’explique par la double composition de son essence, comme l’expose le Coran : « Oui, c’est Nous qui avons créé l’homme d’une combinaison de liquides, afin de l’éprouver… » (Sourate Al- Insân (L’homme) ; 76 : 2)

L’homme a donc en lui un grand nombre d’aptitudes. Puis il ajoute que l’homme est arrivé à une étape où Dieu va lui faire subir une épreuve. C’est une parole très importante, car elle indique que l’homme a atteint un degré de perfection tel qu’il a été créé libre et capable de décision, qu’il est digne qu’une responsabilité lui soit confiée, et qu’il soit noté et jugé sur son résultat.

« Oui, c’est Nous qui avons créé l’homme d’une combinaison de liquides, afin de l’éprouver… ». Cela veut dire que l’espèce humaine a été créée à partir d’un mélange de potentialités et d’éléments disparates. Et que c’est précisément pour cette raison qu’il devra être mis à l’épreuve, testé pour mesurer sa capacité à choisir les bonnes options. Sur cette base, il serait soit bien noté et récompensé, soit mal noté et châtié.

Cette double capacité n’existe pas chez les autres êtres. Ils agissent instinctivement et ne le font que sur cette base, sans avoir la possibilité de choisir en toute conscience entre plusieurs options. C’est pourquoi le verset précédent se poursuit ainsi : « …ce pour quoi Nous le dotâmes de l’ouïe et de la vue. Nous le guidâmes au chemin – qu’il soit reconnaissant ou ingrat – » (Sourate Al-Insân (L’homme) ; 76 : 2-3).

Y a-t-il mieux et plus beau que cela ? Nous lui avons montré la voie dont il possède potentiellement les informations la concernant, nous l’avons mis à l’épreuve, et c’est à lui que revient la décision de faire le bon choix.

D’après cette parole coranique, on voit bien que l’adjectif parfait se rapportant à l’homme s’explique par le fait même qu’il est un mélange de potentialités, alors que rapporté à l’ange, il signifierait autre chose puisque l’ange n’a pas de possibilité de choisir. A propos des anges gardiens de l’Enfer, le Coran dit :

« Y veillent des anges rudes, durs : ils ne désobéissent à Dieu en rien qu’Il leur ordonne, ils exécutent tout ordre qu’Il leur donne. » (Sourate Al-Tahrim (L’interdiction) ; 66 : 6)

La perfection de l’homme est dans l’équilibre et l’harmonie des possibilités qu’il porte naturellement. Il ne devra pas pencher exclusivement pour une possibilité et délaisser les autres, mais faire en sorte qu’il instaure un équilibre entre toutes les possibilités, assumer entièrement toutes les potentialités offertes par son patrimoine existentiel. Il les fera croître ensemble dans l’équilibre, car la justice est dans l’ordre et l’harmonie, comme disent les sages. C’est cela qui l’aidera à réaliser la plénitude de son être. Seuls l’ordre et l’harmonie pourront assurer le développement optimal de chacune des capacités contenues en lui. C’est alors que cet homme deviendra un homme accompli, un homme parfait.

Cet homme, le Coran le qualifie d’Imâm. Ce titre d’Imâm, qui désigne étymologiquement la personne qui est à la tête des autres hommes pour les guider ou pour accomplir une mission, est justement l’homme parfait.

Citons l’exemple d’Ibrâhim (as) (2) , Abraham dans les langues occidentales suivant la Bible, qui est l’un des plus grands symboles de l’obéissance devant Dieu. Ancêtre des croyants, Ibrâhim a été le premier prophète à se dire muslim, contre tout un peuple, il fut interpellé par Dieu : « Je t’institue en Imâm/modèle pour les hommes… » qui lui annonce que désormais, il servira de parangon pour les hommes, pour l’humanité entière et pour des siècles et des siècles. Désormais, non seulement il sera un homme parfait, mais il sera aussi le critère de la perfection. Les hommes devront se conformer à lui pour espérer devenir parfaits.

« Puis Nous t’avons révélé : “Suis la religion d’Abraham qui était voué exclusivement à Allah”… » (Sourate Al-Nahl (Les abeilles) ; 16 : 123)

La figure d’Ibrâhim (as) a inspiré de nombreux poètes mystiques. Hâfez a particulièrement su donner une expression poétique synthétique de l’image d’Ibrâhim pour parler de lui et de sa belle audace, du moment exceptionnel où il a fait face avec stoïcisme et foi à l’épreuve du feu où on le mit pour le brûler vivant mais où Dieu ordonna au feu de se faire fleurs et fraîcheur pour Ibrâhim. Hâfez résume qu’il ne faut pas oser prétendre être amoureux tant qu’on n’arrive pas à changer le feu en rose comme le fit Khalîl, l’Ami intime de Dieu.

Âtash-e ‘eshq-e Botân bar khod mazan

Yâ bar âtash khosh gozar kon chon Khalil !

Ne prétends pas être amoureux des beaux êtres

Ou bien passe intact entre le feu comme a pu le faire l’Ami intime !

(Dîvân Hâfez, ghazal 314 : 4)

Tout homme qui réunit en lui toutes les valeurs humaines de façon sublime et harmonieuse est appelé Imâm, modèle pour les autres. Les Imâms de la Famille du Prophète (as), à commencer par ‘Alî (as), réunissent tous ces conditions de façon innée, de par la pureté que Dieu leur a conférée à tous. Et toutes leurs vies ont été des exemples pour les croyants et pour tous les hommes. Ce qui confirme leur élection divine a posteriori, pour ceux qui pouvaient en douter.

« Dieu ne veut qu’écarter de vous la souillure, ô Gens de la Maison (Ahl al-Beyt) et vous purifier totalement » (Sourate Al-Ahzâb (Les coalisés) ; 33 : 33).


(1) Parce qu’il a été créé pour être le Calife de Dieu, pour remplacer Dieu sur la terre !

(2) (En arabe : ابراهیم Ibrahim). Il est considéré comme le prophète à l’origine des trois monothéismes actuels. Pour cette raison, on le qualifie d’ancêtre des croyants, par opposition à Adam, ancêtre des peuples. Il est aussi à l’origine de deux grandes branches, issues de sa progéniture, Isaac et Ismâ’îl. Isaac a engendré les prophètes israélites, et Ismâ’îl est l’ancêtre du Prophète de l’islam.


Références :

Motaharî, Mortezâ, Ensân-e kâmel (L’homme parfait), pp. 12-18 ; 31-33 ; p. 69 ; Motaharî, Mortezâ, Ensân dar Qor’ân (L’homme dans le Coran), pp. 7-14.

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