Les évêques philippins demandent l’aide des responsables musulmans pour libérer les otages

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SHAFAQNA – « La volonté de Dieu est la sécurité des personnes innocentes », a rappelé sur les ondes d’une radio catholique le cardinal Quevedo, l’un des évêques de l’île de Mindanao en proie aux violences entre djihadistes et armée.

Les forces gouvernementales et les membres du groupe djihadiste Maute s’affrontent dans la ville de Marawi, au sud des Philippines, le 28 mai 2017.

Interrogé sur les ondes de Radio Veritas, le cardinal Orlando Quevedo, évêque du diocèse de Cotabato situé dans l’île de Mindanao a appelé le groupe djihadiste Maute à ne pas « faire de mal aux otages » et les responsables musulmans à apporter leur « aide ».

Mardi 23 mai, un groupe djihadiste du nom de « Maute » a commencé à semer la terreur dans la ville de Marawi, une ville du sud des Philippines, située dans l’île de Mindanao. Ses exactions ont causé la mort d’une centaine de civils. Le groupe a également enlevé le Père Teresito Suganob, le vicaire de la paroisse de Marawi, ainsi qu’une quinzaine de ses fidèles dont l’Église est désormais sans nouvelles.

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« Je prie pour la sécurité de tous les otages. Je fais appel à la conscience des preneurs d’otages pour ne pas nuire à l’innocent comme l’enseigne la foi islamique. Et je demande aux responsables religieux de l’islam d’utiliser leur influence pour libérer les otages indemnes », a déclaré le cardinal Quevedo, rapporte le site ManilaTimes dimanche 28 mai. « La volonté de Dieu est la sécurité des personnes innocentes. Que le Dieu aimant protège les gens de Marawi ! »

« Recherchons ce qui mène à la paix »

L’immense majorité des 200 000 habitants de la ville ont déjà fui, mais environ 2 000 civils étaient dimanche 28 mai coincés au cœur de violents combats entre l’armée et des islamistes. Les exactions ont amené le président philippin Rodrigo Duterte à décréter mardi la loi martiale à Mindanao, deuxième plus grande île de l’archipel.

Avec l’ensemble des évêques de l’île, le cardinal Quevedo a publié vendredi 26 mai une déclaration commune intitulée « Recherchons ce qui mène à la paix ».

Les évêques disent prier « pour toutes les victimes innocentes assassinées à Marawi et (demander) au Seigneur de protéger toutes les familles qui ont fui pour leur sécurité ». Ils condamnent « les nombreux actes terroristes commis, dont l’incendie de maisons, de bâtiments publics, du dortoir d’une école protestante et d’une cathédrale catholique » et bien sûr l’enlèvement « des enseignants et du personnel de l’église ».

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« Nous appelons les preneurs d’otages à les libérer tous indemnes. Les victimes craignent la mort, mais elles ont aussi le courage de donner un témoignage ultime au Christ », écrivent les évêques de Mindanao, réitérant « dans les termes les plus forts » leur condamnation du « terrorisme sous ses diverses formes, surtout quand (il) est perpétré alors que nos frères et sœurs musulmans se préparent au mois sacré du Ramadan ».

« Le terrorisme déforme et fausse la vraie signification de toute religion », rappellent-ils. « Cela détruit les relations harmonieuses entre les peuples de différentes religions. Il crée un monde de suspicion et de préjugé, de haine et d’hostilité ».

Loi martiale

Questionnés par leurs fidèles sur l’instauration de la loi martiale dans la totalité de l’île, qui rappelle, selon certains, « les horreurs d’une dictature passée », les évêques philippins reconnaissent que « les problèmes de paix et d’ordre, les activités perturbatrices persistantes d’autres groupes rebelles, les problèmes de criminalité et de drogue, de corruption et de sous-développement (…) dépassent les limites de la ville de Marawi ».

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« Saint Paul nous exhorte à “poursuivre ce qui conduit à la paix” (Romains 14: 19) », souligne le texte, qui s’interroge : « Y avait-il un autre moyen de résoudre les problèmes graves de Mindanao ? Les effets positifs de la loi martiale l’emportent-ils sur les effets négatifs ? Y aura-t-il une probabilité de succès ? Est-ce que cela entraînera une culture de la responsabilité et mettra fin à une culture d’impunité ? La loi martiale permettra-t-elle d’accroître les violations des droits de l’homme ? La loi martiale sera-t-elle instrumentalisée à des fins mauvaises ? »

« Les réponses à ces nombreuses questions sont hasardeuses », reconnaissent les évêques de l’île sous la plume du cardinal Quevedo. « Nous avons beaucoup de craintes, mais à l’heure actuelle, nous n’avons tout simplement pas de faits solides et suffisants pour rejeter complètement la déclaration de la loi martiale comme moralement répréhensible. Il est sûr que la loi martiale doit être temporaire. (…) Soyons vigilants. »

Supprimer les causes du terrorisme

Le sujet est d’autant plus délicat pour l’Église catholique philippine que, comme l’a précisé dans un communiqué le président de la conférence épiscopale, Mgr Socrates Villegas, les rebelles ont menacé de tuer les otages « si les forces gouvernementales déchaînées contre eux ne sont pas rappelées ».

En attendant, les responsables de l’Église catholiques exhortent leurs fidèles au « calme », à « être obéissants aux ordres justes de l’autorité légitime et à ne pas provoquer une réaction violente ».

« Nous exhortons le gouvernement à supprimer les causes du terrorisme, telles que la pauvreté et l’injustice, par une gouvernance juste et responsable axée uniquement sur le bien commun », lancent-ils aussi.

Anne-Bénédicte Hoffner pour La Croix

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