Leçons tirées de la bataille d’Uhud

by Seyyed
fr.shafaqna - Ghazwa ; les batailles du Prophète (s)

SHAFAQNA – Le 7 du mois de Shawwal, ou selon certains récits le 15 de ce mois, est l’anniversaire de la bataille d’Uhud, et le martyre de Hamza b. ‘Abd al-Muttalib l’oncle du prophète Muhammad (p.). A cette occasion, SHAFAQNA réédite un sermon prononcé par son éminence le défunt Ayatullah Sayyed Mohammad Hussein Fadlallah, sur les leçons de cette bataille pour la communauté musulmane, alors et maintenant.

Le Coran prend, après la bataille d’Uhud, une attitude critique en évaluant les comportements des Musulmans dans cette bataille : ((Ne faiblissez pas, ne vous attristez pas, vous êtes supérieurs si vous êtes croyants [purs et sincères]. Si une blessure vous atteint, le groupe [ennemi] a été blessé aussi. Ces journées, Nous les faisons alterner chez les hommes afin que Dieu distingue les croyants et choisisse parmi vous des témoins. Dieu n’aime pas les injustes, et afin que Dieu purifie les croyants et anéantisseles mécréants [injustes].)) (Coran III, 139-141). La défaite dans cette bataille a provoqué, dans la conscience islamique, un profond sentiment d’épuisement, de faiblesse et de grisaille. Ils se demandaient avec lourde insistance à l’intérieur de leurs âmes : Comment tout cela a-t-il pu avoir lieu ? Et pourquoi ? Mais face à cela, le Coran prend une attitude de refus face à cet état d’abattement qui a régné parmi les croyants : ((Ne faiblissez pas, ne vous attristez pas, vous êtes supérieurs si vous êtes croyants [purs et sincères])), car l’abattement et la tristesse expriment un état d’écrasement intérieur face à la défaite. Ils traduisent un repli spirituel qui détruit le sentiment d’honneur et de dignité. Dieu fait jaillir dans les âmes des croyants l’élan de la foi et ses significations en liaison avec la place qu’occupe le croyant dans la vie. Selon la véritable mesure des choses, le croyant est le supérieur, car son attachement à Dieu lui donne le sentiment de posséder la plus grande puissance. Son élan à partir de la règle de la foi lui inspire l’idée supérieure. Son action au service de la vie l’attire vers le haut, vers la réalisation des buts de son action. C’est ainsi que la foi se transforme en un élément de force qui porte le croyant à se sentir plus fort que tous les éléments de faiblesse, de peur et d’affliction. La foi l’appelle à se sentir fort et spirituellement joyeux en souffrant et en se sacrifiant sur la voie du jihâd.

Il est clair que, dans les Versets susmentionnés, le Coran ne s’emploie pas à faire croire aux croyants qu’ils sont les supérieurs dans le sens égoïste du terme. Cette supériorité que nous inspirent les Versets est une supériorité spirituelle. Elle est la supériorité de celui qui porte le Message par rapport aux forces de la mécréance, de l’injustice et de la tyrannie. C’est ce que nous tirons en matière de concepts, de sentiments et d’inspirations, de l’expression ((Si vous êtes croyants)).

Puis, le Coran s’adresse aux croyants en adoptant une méthode réaliste qui pose la question dans le cadre de ses causes naturelles auxquelles Dieu a fait soumettre tout ce qui constitue les phénomènes de l’univers et de l’homme. La question de la victoire et de la défaite n’est pas liée, dans la vie des individus et des groupes, à la dimension invisible de la vie. L’homme n’a pas à faire face à ces questions à partir de cette dimension qui peut le porter à douter au sujet des principes de la foi et de ses autres nuances. Il doit le faire à partir de la dimension réaliste des choses : Ceux qui font le nécessaire pour remporter la victoire seront victorieux même s’ils sont mécréants. Ceux qui ne le font pas ne le seront pas même s’ils sont croyants, car Dieu ne veut pas combattre à la place des croyants. Il veut qu’ils suivent Sa voie et vivre selon Ses lois. Il veut qu’ils rejoignent les champs de la lutte à partir de la connaissance qu’ils ont de ces champs et de leurs exigences matérielles et morales. Pourtant, la sagesse divine n’empêche pas Son intervention, comme c’était le cas à la bataille de Badr, dans les situations difficiles où la défaite peut déclencher l’effondrement de l’Islam et des Musulmans. Mais il s’agit là de situations exceptionnelles qui ne constituent pas une règle générale et immuable.

Ainsi, Dieu a appelé les Musulmans -après leur avoir demandé de renoncer à l’affliction et à l’abattement et de se sentir supérieurs sur la voie de la foi-  et les a placés face à la réalité du tableau : ((Si une blessure vous atteint, le groupe [ennemi] a été blessé aussi.)). Si les Musulmans sont vaincus et atteints d’une blessure dans la bataille d’Uhud, les mécréants avaient été dans une situation pareille dans la bataille de Badr. La défaite n’est pas quelque chose d’immuable pour ceux qui la subissent dans telle ou telle bataille. La victoire n’est pas, non plus, une loi inéluctable et permanente qui régit la vie des vainqueurs lorsqu’ils l’emportent dans telle ou telle bataille. Le Vaincu peut finir par être vainqueur, tout comme le vainqueur peut finir par être vaincu ((Ces journées, Nous les faisons alterner chez les hommes)). Un groupe de gens peut se doter de la force lorsque Dieu le leur permet, mais la situation peut changer et voir la force gagner le camp des faibles et la faiblesse gagner le camp des forts. C’est la loi de Dieu sur la terre, qui va toujours dans le sens de l’équilibre, pour que le vaincu ne se désespère pas de la victoire, pour qu’il continue de poursuivre l’expérience vivante qui conduit à la victoire, mais aussi pour que le victorieux ne devienne pas tyrannique grâce à sa victoire, et pour qu’il ne se sente pas confiant de ses résultats. Ce dernier doit toujours avoir à l’esprit la défaite possible, et cela l’aide à faire face à l’avenir avec un esprit équilibré. C’est en cela que la vie se renouvelle et se développe. C’est en cela que ses opportunités se rejoignent et se complètent, et ses mouvements s’équilibrent. C’est en cela que la ligne de la lutte suit la bonne direction.

Pour cela, les situations difficiles, dans lesquelles les gens se trouvent aux prises avec les défaites, peuvent pousser les âmes à l’effondrement et certains croyants au doute, à l’incertitude et au recul. Elles peuvent pousser certains autres croyants vers plus de fermeté, de force, d’élan et de résolution à relever les défis. C’est en cela que se distingue la foi authentique, pure et solide, de la fausse foi. Cela est mis au clair par la partie du Verset qui dit : ((Afin que Dieu distingue les croyants)). En fait, tous les modèles du bien et du mal peuvent cohabiter dans les situations de prospérité, d’aisance et de sécurité, dans la mesure où ces situations ne déclenchent pas des processus qui favorisent l’émergence d’une importante catégorie sociale de croyants, tant que toutes les catégories cohabitent sans problèmes.

Parmi les images que nous offre la fin de la bataille d’Uhud, avec la défaite qui a succédé au triomphe initial; et qui a mis en évidence beaucoup de points négatifs, intellectuels et spirituels, qui ont caractérisé les divers personnages ayant participé au combat, nous trouvons celle qui nous est présentée par les Nobles Versets suivants : (( [Rappelez-vous] lorsque vous fuyiez, sans faire attention à personne, et derrière vous, le Prophète vous appelait. [Dieu] vous a infligé tristesse sur tristesse [passagère de ce monde] afin que vous ne vous affligiez pas ni [à propos] de ce qui vous a échappé ni [à propos] de ce qui vous a frappés [et que votre attention et votre coeur soient tournés uniquement vers Dieu].Dieu connaît vos actes. Il a fait descendre survous une sécurité après votre tristesse, un sommeil s’empara d’un groupe d’entre vous. [Les gens de] l’autre groupe [ne] se souciaient que d’eux-mêmes et imaginaient de Dieu comme les païens, [une imagination] contraire à la vérité. Ils disaient : « Si nous avieons eu [un soutien de dieu de ] victoire, nous n’aurions pas été tués ici ». Dis[-leur] : «  Si vous étiez restés dans vos maisons, ceux dont la mort était écrite seraient quand même allés à leur lit (où la mort les attendait) ». [Tout cela est arrivé] afin que Dieu éprouve ce qui se trouve dans vos poitrines et purifie [par l’épreuve] ce qui est dans vos coeurs. Dieu connaît les secrets des coeurs.)) (Coran III, 153-154).

Ces Versets montrent comment les Musulmans ont éprouvé la tristesse psychologique que Dieu a implantée dans leurs âmes lorsqu’ils ont éprouvé cet état d’effondrement et de fort regret consécutifs à leurs méfaits, avant de se trouver dans une situation à laquelle ils ne s’attendaient point. Et cela en réaction à la tristesse qu’ils ont causée au Prophète, aux Musulmans et à l’Islam.

Dieu voulait ainsi leur apprendre comment établir un lien entre les effets et les causes, comment ne s’élancer dans une action qu’après y réfléchir et contempler ses conséquences. Car, en s’élançant ainsi, ils le font à partir d’une mentalité naïve face aux problèmes de la vie, de ses souffrances et de ses défaites. Il leur faut avoir une mentalité en mesure de faire face à chacun de ces domaines pour analyser, discuter et tirer des conclusions, afin de pouvoir transformer les points faibles en points de force, afin de transformer ce qui est négatif en quelque chose de positif. Nous tirons cet enseignement des Paroles de Dieu, le Très-Haut, lorsqu’Il dit : ((afin que vous ne vous affligiez pas ni [à propos] de ce qui vous a échappé ni [à propos] de ce qui vous a frappés [et que votre attention et votre coeur soient tournés uniquement vers Dieu]. Dieu connaît vos actes)) (Coran III, 153).  Dieu les appelait à vivre l’état psychologique qui représente quelque chose de semblable à un choc intérieur à partir de ce qui s’était passé, afin que ce choc leur serve d’expérience et de leçon qui leur permettrait de se délivrer de l’état d’affliction consécutif à la perte ou à la calamité.

La ligne islamique dans les pareilles situations difficiles que traversent les Musulmans lors de circonstances négatives, qui pourraient donner lieu à une défaite militaire, veut qu’on ne recule pas devant la dure épreuve. Elle veut qu’on ne se laisse pas envahir par la tristesse affective avec la quelle l’homme intériorise ses douleurs et vit dans un état psychologique destructeur, comme si la défaite ou l’échec constituaient le point final de sa vie, comme s’il ne retrouvera plus aucune occasion de vaincre ou de réussir. La tristesse est une affection humaine noble, mais l’homme doit la diriger dans le sens positif qui, provoquant un sentiment d’amertume dans l’âme, avant de la conduire vers la prise de conscience de l’épreuve, pour en tirer des leçons, qui l’aideront dans de nouvelles expériences à un avenir nouveau. C’est ainsi qu’une telle tristesse, qui pèse sur le cœur et qui endolorit les sentiments, se transforme en ouverture à toutes les dimensions de la question négative. Le but est d’aider les hommes à comprendre la nature et les détails de cette question au niveau des pertes humaines, matérielles et morales. Dieu ne veut pas que la tristesse soit le lot des mujâhidins actifs en conséquence aux situations compliquées dans leur vie. Ils devraient donc, et grâce à leur foi, ne pas oublier Dieu et savoir que Dieu sait ce qu’ils font. Il le sait à travers la dimension cachée de leurs actes ou à travers leur dimension apparente. Il leur faut s’ouvrir aux dimensions de la réussite en soumettant à un questionnement rigoureux tout le passé compliqué tout en attendant l’avenir ouvert. C’est ainsi que la tristesse consécutive à la perte se dissipe pour donner la place à la conscience et à l’espoir dans l’attente des gains qu’apportera l’avenir.

En revenant au contexte de la bataille d’Uhud et de ses événements, nous constatons qu’une partie de croyants était consciente de ce qui s’est passé. Elle a rejoint le Messager de Dieu (p) toute accablée par le grand choc. Elle confrontait les causes de la défaite et ses conséquences. Après s’être rendue compte de sa défaillance et après l’avoir regrettée, elle s’est mise à planifier pour l’avenir. Mais elle avait besoin, pour pouvoir réfléchir à nouveau, d’un état de relâchement pour se reposer après les difficultés rencontrées lors de la bataille et après les sentiments de regret. Dieu a alors fait descendre le sommeil sur ces croyants pour leur procurer un sentiment de calme et de sécurité, et leur permettre de renouveler leur force épuisée par l’effort, pour permettre à leurs idées troublées par la souffrance de s’éclaircir et pour permettre à leurs nerfs de se reposer après les peines de l’affection. Ils ont donc profondément dormi, s’écartant ainsi de cette étouffante atmosphère de tension, de peur, et d’affection. Il s’agit là d’un groupe de croyants qui ne perdent pas leur clairvoyance, qui ne doutent  pas de leur  foi et qui ne reculent  pas face aux chocs, aux défis et aux défaites. Un groupe qui se redresse de nouveau pour réfléchir à l’avenir à partir des données du présent et pour poursuivre la marche en considérant que tout ce qui se passe n’est qu’une épreuve, un test, un  examen où l’homme peut gagner ou perdre. Mais dans les deux cas ce qui importe est la leçon dont tire profit le vaincu pour éviter l’échec à l’avenir, la leçon qui apprend au vainqueur comment acquérir davantage d’opportunités pour réussir dans la vie.

C’est ainsi que ceux qui œuvrent au service de l’appel à la cause de Dieu, et dans le domaine de l’éducation islamique, doivent affronter les entraves et les conflits. Il leur est préférable de ne pas reculer devant les difficultés, ni se montrer complexés face aux ennuis. Il leur est profitable, à certaines étapes de la marche, de charger certains de ceux qui œuvrent avec eux de certaines missions difficiles, afin de les aider à construire leur personnalité islamique grâce à des chocs durs qui éveillent en eux le sentiment d’affronter les dangers et les déviations, et qui les incitent à résister avec force aux tempêtes qui arrivent de loin.



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