SHAFAQNA– Après la mort du Prophète (P), ses partisans ont convenu à l’unanimité qu’il devrait y avoir un successeur pour diriger et guider les musulmans après lui. Cependant, ils n’étaient pas d’accord sur la question de savoir qui devait lui succéder et comment choisir un successeur.
Comme nous le verrons dans les paragraphes suivants, les premiers chiites et sunnites ont des points de vue fondamentalement différents sur cette question.
Les chiites croient que le califat, est une position divinement choisie, comme la prophétie : un Imam doit être nommé par Dieu et non par le peuple, de la même manière que les prophètes, car un Imam doit accomplir les mêmes fonctions qu’un prophète, sauf pour recevoir la révélation et apporter une nouvelle religion. Pourtant, à part ces deux caractéristiques, l’Imam porte toutes les autres responsabilités du Prophète (P) et doit compenser les manquements résultant de son absence. Cela signifie que l’Imam doit interpréter le Coran, émettre des décrets religieux et se comporter de manière à ce que sa conduite personnelle puisse servir de critère pour distinguer le bien du mal. Une telle personnalité ne peut être formée que par une éducation divine. Cela ne signifie pas qu’un Imam n’a qu’une fonction spirituelle et religieuse et n’a rien à voir avec la vie mondaine des gens, car l’Imam est censé assurer un leadership politique aussi bien que spirituel ; il doit également exécuter les décrets religieux, assurer la sécurité, agir en tant que juge et commandant en chef des musulmans dans les guerres, etc. Et c’est pourquoi, ils disent que le calife est le chef de toutes les affaires mondaines et religieuses du peuple, de la part du Prophète (P).
D’autre part, les sunnites considèrent le califat comme une institution purement politique. Mawardi, par exemple, croit qu’un Imam est censé diriger l’armée, protéger les frontières du territoire musulman, protéger les opprimés contre les oppresseurs, partager le butin de guerre et diriger les musulmans dans le Hajj. (Al-Ahkam al-Sultaniyya, 15-16)
Étant donné que le califat dans l’Islam sunnite est une institution politique dédiée à la prise en charge des affaires mondaines du peuple, il n’est pas nécessaire que le calife soit infaillible ou ait une pleine connaissance des doctrines et des lois de la religion, de la même manière que le Prophète (P). Il n’a qu’à diriger la Oumma, et s’il commet une erreur, il ne sera pas destitué. (Ibid., 6)
Comme vous pouvez le voir, ceux-ci représentent deux points de vue fondamentalement différents sur le califat ; selon l’un, c’est une affaire divine et le calife doit être infaillible et parfaitement conscient des enseignements de la religion. Selon l’autre, un calife n’est rien de plus qu’un chef d’État séculier qui doit être capable et suffisamment éduqué pour diriger le pays. Cependant, en ce qui concerne ses capacités spirituelles, il suffit qu’il soit musulman. C’est finalement en raison de la divergence entre ces deux points de vue que deux courants majeurs de tradition religieuse ont émergé : Chiite et Sunnite.
Alors que la première école soutient que l’Imam est nommé par révélation et que le Prophète (P) a désigné son successeur dans les derniers jours de sa vie, la deuxième école soutient que le choix du peuple est suffisant pour nommer un chef ; il n’y a pas besoin d’approbation divine. Cela dit, il ne faut pas oublier que les sunnites ne s’entendent pas sur une seule façon de choisir le calife. Plutôt que d’évaluer les processus précédents de choix du calife en termes de son accord avec les lois islamiques, les sunnites se tournent vers l’Histoire de l’Islam après le Prophète (P), pour trouver des modèles de succession.
Ainsi Mawardi écrit : « Choisir un imam peut se faire de deux manières : choisir par un conseil composé d'(Ahl al-hall wa-l-ʿAqd)(1) ou par la nomination du précédent Imam. » (Al-Ahkam al-Sultaniyya, 4)
Azadi soutient cependant que l’Imam pourrait être nommé par le Prophète (P), le précédent Imam ou le conseil d'(Ahl al-hall wa-l-ʿAqd). (Cité dans Jurjani 3/265)
À lire aussi: Les précurseurs des chiites à l’époque du Prophète Muhammad (P)
De plus, les sunnites sont largement en désaccord sur le nombre de membres du conseil censé choisir l’Imam. Certains, par exemple, soutiennent que le conseil doit être composé d’au moins cinq personnes, comme l’était le conseil qui a choisi Abu Bakr : ʿOmar ibn al-Khattab, Abu ʿUbayda ibn Jarrah, Asid ibn Hadir, Bakr ibn Saʿd et Salim Mawla Abi Hudhayfa.
Certains, pensent que trois personnes suffisent : une pour prêter le serment d’allégeance et les deux autres pour en le témoigner. Pourtant, d’autres, considèrent qu’une seule personne suffit, soulignant le fait qu’Abbas a dit à Ali : «Tends ta main pour que je puisse la saisir et te faire le serment d’allégeance. Car si je le fais, les gens diront que le cousin du Prophète (P) est devenu ton allié et même deux personnes ne seront pas en désaccord sur ton leadership (Imamat). » (Al-Ahkam al-Sultaniyya, 4)
De tels désaccords sur le choix du calife indiquent que la succession du Prophète (P) n’avait pas été laissée au peuple, car si c’était le cas, le Prophète (P) aurait alors décrit les caractéristiques d’un candidat approprié pour empêcher les gens de devenir confus à ce sujet.
Ce point est concédé par l’auteur égyptien, Al-Khidri, qui a généralement une position plutôt négative envers les chiites, dans son livre Muhadirat fi Tarikh al-Umam al-Islamiyya, dans lequel il dit : « Il n’y a aucun verset dans le Coran qui nous dit clairement comment le successeur du Prophète (P) devrait être déterminé, bien qu’il y ait des versets qui parlent généralement de consultation. »
La Sunna du Prophète (P) ne nous dit rien non plus sur la façon de choisir le calife, bien qu’elle déconseille au peuple de sérieux désaccords. S’il y avait eu des Riwayats sur le califat, elles seraient clairement apparues dans les ouvrages théologiques et les recueils de hadiths et les musulmans se seraient familiarisés avec ses règles et règlements tout comme ils l’ont fait en ce qui concerne les prières et le jeûne. (2/161)
Considérant le fait que le leadership des musulmans après le Prophète (P) est vital pour les musulmans sunnites, et en supposant qu’Al-Khidri croit vraiment à ce qu’il dit, il y a quelques questions auxquelles il faut répondre : serait-il possible que le Prophète (P) n’ait rien dit sur le califat et les caractéristiques souhaitées d’un calife ? Comment pourrions-nous admettre que le Prophète (P) a ignoré la question de la succession à la direction de la Oumma qu’il avait lui-même fondée? Comment pourrions -nous imaginer que le Prophète (P) ait prononcé autant de mots sur des questions aussi mineures que l’utilisation appropriée des toilettes, manger et boire, dormir et prendre un bain, et n’ait absolument rien dit sur le califat, ce qui a entraîné de nombreux conflits et effusions de sang ?
Il est inconcevable que le Prophète (P), qui était la personne la plus sage à avoir jamais vécu et guidé par la révélation divine, ait négligé une question aussi importante !
Si le calife était censé être choisi par un conseil de notables, il aurait dû y avoir de nombreux hadiths et déclarations sur le nombre de membres requis pour constituer un tel conseil, leurs qualifications (telles que la connaissance et la piété), comment et où ils devraient être choisis, afin que leur décision soit totalement acceptable pour tous.
Cependant, il n’y a aucune preuve dans le Coran ou la Sunna pour expliquer tout cela. À tout le moins, nous nous attendrions à ce que les sources précisent quelques points : Qui peut être membre de ce conseil ? Doit-il être composé d’élites religieuses, de dirigeants politiques, de commandants de l’armée ou d’un mélange de tout cela ? Qui doit choisir les membres d’un tel conseil ? Et si les membres du conseil sont en désaccord sur une question ou une personne, qui aura le vote décisif ? Alors que certains théologiens ont dit que l’Imam doit être choisi par le conseil d'(Ahl al-hall wa-l-ʿAqd), ce que cela signifie, n’est pas clair. Le conseil d'(Ahl al-hall wa-l-ʿAqd) désigne-t-il ceux qui ouvrent et attachent ? Personne ne le sait puisqu’il n’existe aucun hadith prophétique pour expliquer cela.
De telles confusions ainsi que d’autres impliquent que l’idée selon laquelle l’Imam serait choisi par ce type de conseil est fondamentalement fausse et que la question de la succession du Prophète (P) ne pourra jamais être réglée par le peuple. Comme Taha Husayn le suggère à juste titre : « Si les musulmans avaient un système écrit de conseils, ils y auraient eu recours à l’époque d’Othman et auraient su quoi faire et quoi ne pas faire. »
Note:
1- Cela signifie des personnes influentes et des érudits de la charia.
Ce texte est traduit par shafaqna Français
Source : Sobhani Ayatollah Jaʿfar, Islam chiites : Histoire et doctrines, Chapitre 7