La Connaissance de Dieu

by admin

SHAFAQNA – Les études sur la religion occupent une place privilégiée dans les sciences humaines, et figurent toujours comme la question la plus essentielle, dont dépend le destin et le bonheur des hommes, et donnant lieu à des vues profondes et à un savoir sans cesse étendu.
Les savants et les chercheurs ont mis en œuvre des recherches larges et vastes dans le domaine des origines et des motivations du phénomène religieux, chacun approfondissant le sujet du point de vue de sa discipline forte propre, et prononçant du haut de sa chaire les conclusions de son enquête.

En fait la foi et la croyance des hommes ont connu un développement et un perfectionnement progressif avec le temps, à l’instar de leur savoir, et de leurs techniques. Et depuis les temps les plus reculés de la préhistoire, elles ont été une partie intégrante de la composante des sociétés.

Comme par le passé, on ne peut trouver aujourd’hui une société dans laquelle cette question n’est pas posée.

Comme les langues et les modes de vie, la pensée religieuse a subi des changements et des bouleversements, d’une étape à l’autre, réformant et élargissant ses bases intellectuelles et scientifiques. Son cadre n’est jamais resté à l’état primitif et dans une forme figée et inerte dans l’esprit des hommes.

L’examen des raisons et modalités des changements intervenant dans la vie de l’homme, son savoir et sa pensée, ainsi que les enquêtes sur les époques les plus reculées de l’histoire, nous montrent que l’humanité s’est attaché aux croyances, avant de faire l’expérience d’une connaissance parfaite des méthodes de l’argumentation rationnelle.

Par conséquent, la première période des sciences et techniques humaines n’était pas plus achevée que la première période des religions et croyances. Et nous pouvons affirmer que l’effort de l’homme. Dans la voie de la religion et des croyances est plus long et plus pénible que son effort pour l’acquisition de la science et de la technologie. Parce que la connaissance de la Réalité Suprême, qui est la Réalité du monde et de l’Etre est plus malaisée que la connaissance de toutes les choses que la science et la technique œuvrent à réaliser, et la voie y conduisant est plus pénible.

La connaissance parfaite des grandes vérités est impossible pour les hommes d’une seule époque. La pensée collective demande plusieurs périodes de temps pour parvenir à cette élaboration, et s’en rend apte au fur et à mesure du développement et du progrès des données scientifiques.

La nature du soleil qui est la chose la plus manifeste est demeurée des siècles durant, méconnue des hommes. Différentes interprétations étaient en cours à propos de ses mouvements et effets. Bien que son existence et son rayonnement lumineux ne soient niés par personne, la pensée commune était entachée d’une ignorance profonde à son sujet.

La saisie des vérités majeures est donc impossible autrement que par la voie de l’examen logique, de la démonstration, et de l’analyse de tous les aspects.

Pour cette raison et à cause de la faiblesse de la pensée et de l’étroitesse du domaine scientifique, les superstitions et les mythes religieux parmi les peuples primitifs qui prenaient différentes formes selon les circonstances historiques, ne sont pas une preuve que la religion et son contenu sont dénués de toute vérité, mais montrent au contraire la fusion du principe religieux dans le for intérieur et le cœur des hommes.

Renan disait que “La religion est la manifestation la plus sublime de la nature humaine”1et l’on ne peut rien attendre de la science, quand elle étudie la protohistoire, d’autre qu’elle ne découvre en matière de religion primitive que des traces de mythes et superstitions dans les fouilles et excavations archéologiques et paléontologiques.

L’homme de cette ère, bien que constatant le perfectionnement méticuleux des systèmes attrayants et merveilleux de la nature, et bien qu’il ne lui était jamais arrivé de voir un des instruments rudimentaires de sa vie se créer spontanément, n’avait pas la pensée aussi mûre pour appréhender l’unité du système de l’existence, et la relation complète entre les formes de la nature et les différents phénomènes, et pour comprendre que tout l’ordre de l’existence est soumis à la puissance et la volonté d’un principe conscient et puissant, qui n’a aucune sorte de ressemblance avec lui-même et les autres êtres qui lui sont familiers.

Et comme pour lui l’apparition des différentes espèces existantes ne repose sur aucune appréciation ou pensée logique, il s’imagine alors que tout effet a une cause séparée, et de la pluralité des espèces, il conclut à celle des divinités.

En fin de compte, la tendance sacrée et l’inclination sublime et authentique de l’âme sont déviées de leur voie, et au lieu de rencontrer le Dieu Vrai, elles conduisent aux fausses idoles.
Il adore ces dernières, et leur voue un culte; et les qualités qu’il leur attribue sont celles-là même qu’il déduit par comparaison et analogie avec l’âme, c’est- à dire avec lui-même ou les choses entrant dans son univers psychologique, et satisfait ainsi sa conscience.

Quand les mouvements et le comportement de l’homme s’accompagnent de deux spécificités manifestes: l’une authenticité et permanence, et l’autre totalité et généralité dans les individus d’une même espèce, il semble parfaitement logique qu’on en trouve les racines dans le tréfonds de l’âme.

Tout au long de l’histoire et même dans la période préhistorique, l’existence d’un tel phénomène continu sous la forme éternelle et pérenne ne peut pas être considérée comme la cause de rites et habitudes; il est plutôt lui-même un symptôme de la soif innée et du sens de la nécessaire quête du Vrai.

Par conséquent, toutes les croyances religieuses, sous leurs différentes formes et aspects procèdent elles-mêmes d’une source abondante et bouillonnante, en l’occurrence la nature primordiale, qui n’est ni surajoutée, ni accidentelle.

Dans la constitution de l’homme, une aptitude pour l’acceptation de la croyance se crée d’abord, puis la croyance y prend forme. Et ce même penchant intérieur qui pousse la personne à enquêter et à chercher à saisir la réalité, constitue une preuve confirmant la nécessité de con naître la religion.

Mais il n’est pas obligatoire que l’aptitude saine et la condition psychique s’accompagnent nécessairement et toujours de la croyance juste. Comme le corps désire la nourriture, sans que ce désir dépende de la qualité, bonne ou mauvaise des aliments, l’âme aussi est en quête de sa nourriture propre, c’est- à dire la foi et la croyance, et persiste dans son désir de connaître Dieu, et lui adresse des suppliques, bien que cette motivation authentique soit incapable de discerner les croyances justes des croyances fausses.

Les chercheurs sont unanimes sur ce point que les croyances religieuses ont toujours été mêlées intimement à la vie des hommes. Mais leurs avis divergent dans le cas particulier des origines authentiques de la religion et des facteurs ayant joué un rôle fondamental dans leur apparition et leur croissance.

La plupart de leurs jugements ont été exprimés sur la base de recherches dans le domaine des religions mythologiques et des idées non mûries; ces échantillons entraînent naturellement dans l’analyse finale des conclusions hâtives et illogiques.

Il est vrai que dans certaines religions, à cause de l’absence de lien avec la source de la révélation, des facteurs comme les conditions du milieu et d’autres facteurs similaires ont joué un rôle dans leur apparition, leur formation et leur croissance.

Mais il n’est pas logique de considérer que le fondement de l’ensemble des religions et des tendances religieuses précède des conditions matérielles et économiques ou de la peur des éléments naturels effroyables, ou encore de l’ignorance ou des questions relatives.
Sans doute, l’un des facteurs de l’apparition des idées anti-religieuses et du courant athéiste consiste dans l’enseignement incorrect, les insuffisances et les déviations intellectuelles des partisans de certaines doctrines religieuses. Par conséquent, il faudra aussi envisager les spécificités et les différents caractères de chaque religion dans l’étude séparée des motivations des penchants pour elle.

On peut considérer la religion comme régissant tout le réseau des relations sociales, dans la plupart des évènements historiques. Si la religion n’avait pas de fondement, on aurait pu la confiner dans le cadre des motivations matérielles. Mais quel facteur a pu conférer une telle capacité de résistance et de fermeté aux personnalités religieuses dans la voie de leurs objectifs religieux?

Est-ce l’attente de quelque intérêt matériel ou une ambition privée qui leur fait supporter stoïquement l’amertume des épreuves et des malheurs?
Alors ils ont sacrifié pour leurs sentiments et idéaux religieux tous leurs moyens matériels, leurs conforts et leurs ambitions personnelles, et souvent aussi ils ont fait le sacrifice de leur vie.

Par conséquent l’interprétation matérialiste de la tendance religieuse ne se justifie pas. De tels évènements, au contraire, éclairent davantage le caractère inné du sens religieux dans le tréfonds de l’homme.

Le Comte de Noailles dit:
«Il y a eu toujours dans le monde, l’esprit religieux et la tendance à la croyance, la tendance à l’adoration et la tendance à la modestie dans l’invocation, et la tendance à la sublimation de l’âme pour se rapprocher de la perfection désirée, qui est inimaginable et irréalisable.
Cette tendance a un principe religieux car elle est universelle et est la même chez tous les hommes.”2

Le célèbre savant, Will Durant écrit:
”La foi est une question naturelle. Elle naît directement de nos besoins instinctifs et sensuels qui sont engendrés par la faim, la conservation de soi, la sécurité et même l’obéissance religieuse.”3

Les croyances illogiques n’existent pas seulement dans les questions religieuses, la plupart des sciences véhiculaient à l’origine des idées mythiques. La médecine par exemple a mis des siècles avant de se débarrasser de la magie et des superstitions.

De même la chimie a longtemps végété dans la quête illusoire de la pierre philosophale des alchimistes avant de prendre son essor à l’époque moderne. Nul ne peut prétendre que si l’humanité se trompe dans sa quête d’une chose, elle devrait toujours demeurer dans son erreur, sans même chercher à se frayer une voie vers la vérité.

Les négateurs de Dieu s’appuient sur cette question et veulent en inférer que Dieu est une invention des hommes. Par exemple Bertrand Russel, philosophe anglais, considère la peur des éléments naturels comme étant à l’origine de l’idée religieuse. Il dit: “A mon avis, la religion repose avant tout, principalement sur le fondement de la peur, la peur de l’inconnu. En outre comme je l’ai rappelé précédemment, cette croyance religieuse donne lieu à un sentiment qui fait que l’homme s’imagine avoir un soutien dans ses disputes et ses problèmes, qui le protège contre la peur de la mort, des échecs, des mystères et des choses occultes.”4

Cette affirmation n’est qu’une prétention dénuée de toute preuve. Samuel King dit à ce sujet:
“L’origine de la religion est un mystère et l’un des secrets de l’existence. Les savants ont à ce propos avancé des théories innombrables, certaines plus logiques que d’autres. Mais il n’en demeure pas moins que les meilleures de ces théories, au point de vue scientifique, ne sont pas exemptes d’objections, tout en restant logiques. C’est la raison pour laquelle les sociologues divergent gravement au sujet de l’origine de la religion.”5

Nous dirons cependant en réponse aux propos de Russel, qu’en admettant que la motivation première et initiale de l’humanité pour croire au Créateur ne soit que la peur, peut-on considérer cela comme une preuve de ce que Dieu est une illusion, et qu’Il n’existe pas?

Y a-t-il une objection à ce que la peur soit un noble pour que l’homme se mette à la recherche d’un abri pour s’en libérer, et parvienne à la réalité?

Si la peur est à l’origine d’un succès, peut-on dire que puisque la peur est la motivation de l’acte ayant conduit à ce succès, il faut nier à ces dernières toutes réalités et le considérer comme illusoire?

Est-il logique d’affirmer par exemple que la médecine n’existe pas, sous prétexte que l’homme l’a inventée à cause de la peur de la maladie et de la mort?
Le fait est que la science médicale est une réalité, que la motivation première pour sa découverte en soit la peur de la maladie et de la mort ou autre chose.

Dans tous les incidents et les évènements de la vie, la foi en un créateur omniscient et omnipotent est un appui et un refuge réel et puissant. Et cela est en soi une question. Que la motivation primordiale de la foi des hommes soit la peur des éléments, et que de ce fait ils se soient mis à la recherche d’un protecteur, cela est une autre question. Et Ces deux problèmes doivent être examinés séparément.

Il n’y a pas de doute qu’au début de son existence, l’humanité s’est trouvée confrontée aux évènements terrifiants de la nature, comme les inondations, les tremblements de terre et les épidémies. Le spectre de la peur jetait son ombre funeste sur tous les aspects de la vie et de l’esprit. L’humanité cherchait un point d’appui qui puisse lui servir d’abri en cas de panique, et de garant de la tranquillité d’âme, jusqu’à ce qu’elle puisse vaincre progressivement, par un effort continu, l’ombre de la peur et de l’humiliation, et qu’elle en triomphe.

Les recherches sur la vie des hommes primitifs, et la découverte de pièces attestant que la peur régnait sur leurs esprits, ne constituent pas un argument définitif que la peur et l’ignorance étaient le seul facteur de l’inclination vers la religion

Cette façon de penser témoigne de l’étroitesse de vue de son auteur. Car on peut tirer une conclusion générale des études et recherches historiques quand on a réexaminé et profondément analysé toutes les phases de l’histoire de l’humanité, et non en considérant un seul angle de l’histoire si pleine de vicissitudes.

Il ne faut jamais prendre l’emprise de la peur sur toutes les dimensions de la vie humaine à des périodes spécifiques et déterminées, pour critère de jugement total sur toutes les périodes de l’histoire

N’est-ce pas juger hâtivement que de considérer toutes les idées et sentiments religieux des hommes, et la tendance à l’adoration de Dieu à toutes les époques dont la nôtre, comme la cause de la peur et de l’effroi de la suprématie des éléments naturels, de la guerre et des épidémies?

En principe, les hommes les plus croyants ne sont pas les plus faibles. Ceux qui au cours de l’histoire ont hissé haut le drapeau de la religion figuraient parmi les hommes les plus énergiques et les plus intrépides.

Jamais la foi d’un individu ne s’accroît à mesure que s’aggrave sa faiblesse. Et le chef religieux des hommes n’en est pas le plus lâche, le plus incapable et le plus vil.

Peut-on imputer la foi des milliers de savants et de penseurs, à leur peur et leur panique devant par exemple les inondations, les tremblements de terre et les maladies?

Ou bien encore peut-on expliquer leur croyance, aboutissement de recherches logiques et scientifiques ardues, par leur ignorance et leur méconnaissance des causes naturelles des phénomènes? Comment doivent juger les hommes doués d’intelligence?

En outre, l’homme n’incline pas à la religion pour gagner la paix intérieure. Celle – ci est plutôt acquise comme un des fruits de sa foi et de sa croyance.

Selon les savants croyants, l’univers est un système de causes et d’effets déterminés. Et l’ordre précis des choses témoigne de l’existence d’un principe de Science et de Puissance.

Des dessins improvisés et disposés pèle – mêle sur une toile, ne peuvent pas refléter le talent d’un peintre; c’est plutôt un tableau longtemps mûri, et exécuté avec soin et minutie qui pourrait devenir son chef – d’œuvre, et révéler la maîtrise de son art.

D’autre part, ceux qui voient dans les croyances métaphysiques le simple reflet des conditions économiques objectives, et qui s’attachent à montrer un lien direct entre les conditions sociales existantes et la religion, affirment que celle – ci a de tout temps été au service des colonialistes et des exploiteurs.

C’est la classe dominante qui créerait l’idéologie religieuse pour pouvoir en son nom réprimer la résistance des masses populaires exploitées, et s’en servir comme un fer de lance dans l’entreprise de mystification de la classe laborieuse, et amener cette dernière à la compromission.

Sans doute, la religion comme toute autre chose dans ce monde peut faire l’objet d’un mauvais usage. Dès qu’elle sort de sa voie, elle devient un instrument entre les mains des profiteurs rapaces qui cherchent à asservir les peuples.

Mais de tels abus ne doivent pas servir de prétexte aux opportunistes pour clouer au pilon tout ce qui a pour nom religion et croyance.

Enfin, il faut séparer les religions authentiques des formes religieuses perverties conçues par les colonialistes et ayant véritablement un contenu d’opium des peuples.

Il est possible que dans beaucoup de sociétés humaines, des conditions économiques défavorables, la stagnation et l’arriération soient accompagnées par une effervescence religieuse. Mais cette simultanéité des phénomènes ne laisse transparaître aucun lien de cause à effet entre eux. Parce que nous constatons aussi qu’il arrive parfois qu’une société en pleine expansion économique et sociale soit aussi le théâtre d’une intense foi religieuse, pendant qu’une autre jouissant d’un même épanouissement matériel demeure indifférente aux croyances métaphysiques. De même, en un lieu de pauvreté et de misère l’astre religieux peut se coucher, alors que dans un autre tout aussi défavorisé, le même astre rayzine dans toute sa splendeur.

Cette absence remarquable de corrélation entre les conditions économiques et l’éclosion ou le déclin de la ferveur religieuse est une preuve manifeste de ce fait que pour découvrir le lien de causalité, la synchronicité n’est pas suffisante.

Il faut aussi une autre spécificité, à savoir que l’émergence et la disparition d’un phénomène dépend de l’existence ou de la non – existence d’un autre phénomène.
Cette non-corrélation, nous pouvons l’observer dans deux sociétés qui sont sous la domination et la répression de la classe possédante. Nous y voyons l’apogée et le déclin du sentiment religieux dans les mêmes conditions sociales; dans l’une des sociétés, la religion est rejetée, et dans l’autre, elle est répandue et florissante.

Autre point, la tendance religieuse n’est pas la cause des frustrations matérielles; c’est plutôt l’abandon et l’indifférence à l’égard de la religion qui est à l’origine du penchant matérialiste et de la propension à l’accumulation.
Ceux qui s’adonnent sans retenue à la concupiscence et aux plaisirs mondains, se moquent de la religion.

Sur ce, les faits tangibles tendent à nous montrer que l’homme est enclin à la religion sous toutes les conditions. Nous devons donc avoir en vue les motivations psychologiques authentiques et les particularités personnelles des hommes, et non les conditions économiques.

En examinant les objectifs des religions célestes, nous parvenons à cette conclusion que la garantie du progrès social et de l’égalité entre les hommes, en matière économique en particulier, est l’une des causes pour lesquelles les prophètes ont été envoyés et pour lesquelles les hommes adhèrent à la religion.
Elle est l’un des intérêts que présente la religion aux hommes.

  • 1. Brève histoire des grandes religions.
  • 2. La relation entre l’homme et l’univers.
  • 3. Les plaisirs de la philosophie.
  • 4. Pourquoi je ne suis pas chrétien, Bertrand Russel.
  • 5. Sociologie, Samuel King.

You may also like

Leave a Comment

This site is protected by reCAPTCHA and the Google Privacy Policy and Terms of Service apply.

The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.