SHAFAQNA – Al-Azhar et le Conseil des sages musulmans ont convié de nombreux responsables politiques et religieux au Caire les 28 février et 1er mars pour une « Conférence internationale sur la liberté, la citoyenneté, la diversité et la complémentarité ».
S’appuyant sur un texte de la tradition islamique, la déclaration finale affirme l’égalité entre musulmans et chrétiens et le refus des discriminations. Elle récuse aussi le lien entre islam et terrorisme.
« Al-Azhar, le Conseil des Sages Musulmans et les chrétiens de l’Orient se rencontrent de nouveau aujourd’hui pour confirmer la foi dans l’égalité entre les musulmans et les chrétiens dans les patries, les droits et les devoirs puisqu’ils forment une seule nation. Les musulmans ont leur religion et les chrétiens ont la leur », affirme la déclaration finale adoptée mercredi 1er mars au Caire par les participants à la « Conférence internationale sur la liberté, la citoyenneté, la diversité et la complémentarité ».
Organisée par Al-Azhar et le Conseil des sages musulmans basé à Abu Dhabi, cette conférence a réuni pendant deux jours des responsables politiques et religieux du Moyen-Orient mais aussi d’autres régions du monde avec le souci d’affronter les défis de l’extrémisme religieux.
Aucune discrimination
S’appuyant sur la « charte de Médine » – que la tradition musulmane attribue au prophète Mohammed et qui est réputée régir les rapports entre les premiers croyants musulmans et les tribus juives habitant dans cette ville – la déclaration finale affirme que la charte « ne comprenait aucune discrimination ou exclusion à l’encontre d’une quelconque fraction de la société de l’époque, mais prévoyait l’exercice de politiques basées sur la pluralité des religions, des races et des couches sociales ».
Défendant les notions de « citoyenneté, d’égalité et de droits », les participants disent condamner « ce qui contredit la citoyenneté et maintient des pratiques reposant sur la discrimination entre musulmans et non-musulmans contraires à la charia et entraîne le mépris, la marginalisation et les pratiques doubles standards, aussi bien que la poursuite, l’ennui, la déportation, la tuerie et toutes les conduites que l’islam, toutes les religions et les traditions refusent ».
Dans une déclaration télévisée, vendredi 13 janvier, le cheikh d’Al-Azhar, Ahmed Al Tayyeb, avait déjà qualifié d’« anachronique » le statut de protection-domination (dhimma) des minorités religieuses dans les États majoritairement musulmans, ainsi que l’imposition de la jizya, taxe qui leur était spécialement réservée.
« Les religions innocentes du terrorisme »
Dans le droit fil de cette prise de position, la déclaration finale « espère que les intellectuels et les penseurs font attention au danger de l’emploi du terme’minorités’, qui porte dans ses plis la notion de la discrimination et de l’isolement sous prétexte d’affirmer les droits ».
Enfin, constatant « la montée des phénomènes de l’extrémisme, la violence et le terrorisme au nom de la religion, dans les dernières décennies, et la souffrance, la pression, intimidation, la déportation, la persécution et l’enlèvement des adeptes des autres religions et cultures dans nos sociétés », les participants chrétiens et musulmans à la conférence d’Al-Azhar affirment que « toutes les religions sont innocentes du terrorisme sous toutes ses formes ». Ils demandent « à ceux qui font le lien entre l’islam, les autres religions et le terrorisme d’arrêter immédiatement cette accusation (…)».
Une manière, cette fois, pour les responsables musulmans, de récuser tout lien entre l’islam et les courants extrémistes qui se développent en son sein.
Enseignement et éducation
Affirmant n’avoir pas ménagé leurs efforts ces dernières années « pour revoir, corriger, réhabiliter et enraciner les idées », « Arabes musulmans et chrétiens » reconnaissent la nécessité « de faire plus de révision en vue de renouveler et de faire évoluer notre culture et les pratiques de nos institutions ». Plusieurs domaines sont cités comme lieux privilégiés de cette coopération : l’enseignement religieux et moral, l’éducation à la citoyenneté (…), la consolidation du dialogue islamo-chrétien et le dialogue des civilisations.
Cette conférence s’inscrit dans un contexte politique délicat en Égypte, marqué par les violences récurrentes d’Al-Qaïda dans le Sinaï et les violences commises contre les coptes. Le président égyptien, Abdel Fattah Al Sissi, qui a reçu le grand imam d’Al-Azhar à la veille de la conférence, ne cesse de l’exhorter à « rénover le discours religieux ».
Pression du président Al Sissi
Jeudi 2 mars, à l’issue de ces deux jours de rencontre, le président a convié plusieurs patriarches orientaux – dont le chaldéen Louis Raphaël Sako et le maronite Bechara Raï – pour leur redire « le rôle fondamental des responsables religieux (dans) la diffusion dans l’ensemble des pays arabes du principe de citoyenneté et le rejet des fausses interprétations des livres sacrés ». Il leur a redit sa volonté de « renouveler le discours religieux » au Proche-Orient « comme antidote aux conflits sectaires ».
Selon l’agence Fides, il leur a également déclaré « ne pas identifier les musulmans et les chrétiens égyptiens comme représentant une’majorité’ et une ’minorité’ religieuses », mais au contraire comme « membres de la nation égyptienne (…) sans discriminations, explicites ou occultes, dans le respect de la pleine égalité fondée sur le principe de citoyenneté ».