La Catalogne déclare son indépendance, et maintenant? Le scénario de Madrid et celui de Barcelone

by Reza

SHAFAQNA – Le divorce entre Madrid et Barcelone est consommé (pour de bon cette fois-ci). Ce vendredi 27 octobre, le Sénat espagnol a validé la mise sous tutelle de la Catalogne, une heure seulement après un vote au Parlement catalan proclamant l'”indépendance” de la région. Les deux parties ont donc chacune choisi de camper sur leur position.

Au vu des rebondissements de ces dernières semaines en Espagne, on ne peut qu’imaginer que les jours à venir seront tout aussi surprenants. Mais Madrid et Barcelone ont chacune un scénario qu’elles entendent bien suivre à la lettre, malgré de nombreux obstacles: d’un côté, la Catalogne est complètement isolée sur le plan international et hors de tout cadre juridique; de l’autre, Madrid va devoir gérer une région très autonome où une partie de la population est prête à désobéir.

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Destituer le gouvernement catalan

Première mesure prévue par l’application de l’article 155 de la Constitution espagnole, qui entérine la mise sous tutelle des régions autonome, la destitution de l’ensemble du gouvernement catalan, la Generalitat, a été annoncée dès vendredi soir par le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy.

Cette mesure risque d’être un casse-tête pour le gouvernement de Mariano Rajoy: que faire, par exemple, si Carles Puigdemont, qui ne reconnaîtra pas les mesures de Madrid, refuse de quitter son bureau? “S’il se retranche, les délits s’accumuleront pour lui”, et “rien de ce qu’il fera n’aura de validité”, répond une source gouvernementale à Madrid.

Relevé de ses fonctions par Madrid, Carles Puigdemont ne s’est pas exprimé depuis l’annonce officielle de sa destitution. Le parquet général d’Espagne a annoncé qu’il engagerait la semaine prochaine une procédure judiciaire pour “rébellion” contre le président catalan, qui risque la prison.

Les mesures de destitution du président séparatiste et de son gouvernement doivent entrer en vigueur une fois publiées au Journal officiel. Mariano Rajoy a par ailleurs annoncé la convocation d’élections anticipées le 21 décembre prochain.

Le gouvernement conservateur demandera également à la chambre haute de lui donner le pouvoir de nommer, démettre et remplacer dans tous les organismes et entités qui dépendent de la Generalitat. Il souhaite aussi la fermeture des “représentations” catalanes dans le monde, hormis à Bruxelles.

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(Photo par Pablo Blazquez Dominguez/Getty Images)

Destituer le Parlement catalan

Mariano Rajoy a fait d’une pierre deux coups vendredi soir, destituant également le parlement catalan, où les partis indépendantistes disposent depuis 2015 d’une courte majorité de 72 sièges sur 135.

Ce sont eux qui ont voté l’indépendance plus tôt dans la journée. Mariano Rajoy compte d’ailleurs saisir le Tribunal constitutionnel pour obtenir la nullité des mesures adoptées vendredi après-midi en Catalogne.

Le Premier ministre espagnol demande à pouvoir désigner “une autorité” qui aura 30 jours pour vérifier qu’aucun texte de loi ou aucune initiative parlementaire ne va à l’encontre des mesures prises pour contrôler la Catalogne.

Une fois Carles Puigdemont officiellement destitué, le parlement ne pourra pas procéder au choix ni à la nomination d’un successeur, si le Sénat approuve les demandes du gouvernement.

Les Mossos sous l’autorité de Madrid

Ce samedi, le gouvernement espagnol a annoncé samedi au journal officiel la destitution du chef opérationnel de la police catalane Josep Lluis Traper. Ce dernier est devenu au fil des semaines une figure emblématique de la crise catalane: devenu héros national en août pour sa gestion des attentats jihadistes, qui ont fait 16 morts en Catalogne, il est désormais sous le coup d’une enquête pour “sédition”, la justice le soupçonnant d’être restés passif lors de manifestations visant la Guardia civile en septembre.

Les 16.000 Mossos d’Esquadra, seront placés sous l’autorité directe du gouvernement. Ils répondent jusqu’à présent aux ordres de la Generalitat.

Mariano Rajoy demande même, “au cas où ce serait nécessaire”, que les membres de la police autonome puissent être “remplacés par des effectifs des forces de sécurité de l’État”, c’est-à-dire la police nationale et la Garde civile.

Prendre le contrôle des finances

Le gouvernement a déjà placé les finances de la Generalitat sous séquestre en septembre, pour tenter en vain d’empêcher le référendum d’autodétermination du 1er octobre, interdit par la justice. La sanction est restée en vigueur.

Il demande à présent l’autorité d’exercer toutes les compétences financières, budgétaires et fiscales pour s’assurer que pas un euro des impôts locaux ou des sommes transférées par Madrid à la région ne soit consacré à financer les efforts de sécession.

La majorité indépendantiste du parlement catalan a proclamé vendredi une “République” constituée comme “État indépendant et souverain” et proposé d’établir des négociations immédiates avec l’État espagnol, des mesures qui placent la région hors du cadre constitutionnel espagnol.

Des négociations avec l’Espagne

“Nous affirmons la volonté d’ouvrir des négociations avec l’État espagnol, sans conditions préalables, pour établir un régime de coopération au bénéfice de toutes les parties. Les négociations devront être, nécessairement, sur un pied d’égalité”, selon le texte du parlement catalan.

Un appel à la communauté internationale

“Nous portons à la connaissance de la communauté internationale et des autorités de l’Union européenne la constitution de la République” et la volonté de négocier, précise le texte qui demande à l’UE “d’intervenir pour arrêter la violation des droits civiques et politiques” par le gouvernement espagnol. Pour l’heure, l’Europe et même les États-Unis et le Canada ont apporté leur soutien à Madrid.

Ce vendredi, Carles Puigdemont, le président catalan, a répondu directement à Donald Tusk, qui affirmait que le seul interlocuteur de l’Union Européenne serait l’Espagne. “Comme vous le savez, les Catalans privilégieront toujours la force des arguments”, a-t-il tweeté.

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Le président du gouvernement catalan Carles Puigdemont (4ème), vice-président régional et chef de l’Economie et des Finances de Catalogne et leader du parti républicain de gauche Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) Oriol Junqueras (3ème) et d’autres membres du Parlement catalan résultats du vote sur un projet de loi pour un référendum sur l’indépendance à Barcelone, le 6 septembre 2017.
Le 6 septembre 2017, le parlement de Catalogne a voté une loi ouvrant la voie à un référendum sur l’indépendance le 1er octobre, farouchement opposé à Madrid, ouvrant la voie aux crises politiques les plus profondes de l’Espagne depuis des décennies. La loi a été adoptée avec 72 voix pour et 11 abstentions. Les législateurs qui s’opposent à l’indépendance de la riche région du nord-est de l’Espagne ont abandonné la chambre avant le vote. / AFP PHOTO / GENE LLUIS

Un passeport catalan et une double nationalité

Le parlement demande au gouvernement indépendant catalan de “promouvoir, devant tous les États et institutions, la reconnaissance de la République”. La seconde partie du texte fait allusion à une Loi de Transition juridique, une sorte de Constitution préliminaire, approuvée en même temps que la déclaration d’indépendance, dans l’attente d’élections constituantes.

Le parlement catalan invite le gouvernement régional à “promulguer les décrets nécessaires” pour produite des documents d’identité catalans, et impulser immédiatement la “souscription d’un traité de double nationalité avec le gouvernement du Royaume d’Espagne”.

L’adaptation des lois, surtout fiscales

Toutes les lois en vigueur en Catalogne doivent être adaptées à cette étape de transition, “avec une attention spéciale pour toutes celles qui régulent les impôts”.

L’intégration des fonctionnaires

Tous les fonctionnaires dépendant directement de l’État central, 26.000 personnes au total, sont intégrés au service public catalan “sauf renonciation express”, y compris les Catalans en service à l’étranger.

La création d’une banque centrale

Le texte prévoit aussi la création d’une banque centrale catalane, une banque publique d’investissement, ainsi que le démarrage de négociations sur la dette publique avec Madrid, et un “inventaire des biens”.

La rédaction d’une Constitution

Pour finir, il annonce le début du processus de rédaction d’une Constitution définitive et la convocation d’élections constituantes le plus tôt possible.

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