SHAFAQNA– Dans la cour de leur maison sur l’île sénégalaise de Fadiouth, Moustapha Ndour, qui est musulman, et son frère Jean-Pierre, qui est chrétien, échangent ouvertement sur leur religion après le discours du Premier ministre Ousmane Sonko qui a provoqué l’indignation de l’Église catholique.
Moustafa, 67 ans, affirme qu’il les a trahis. Né chrétien et converti à l’Islam, il dit: Tu es parti en voyage. Il est temps de revenir dans ta religion d’origine.” Sous le regard amusé de quelques membres de cette famille de croyance mixte, le jeune Jean-Pierre le taquine.
La concorde entre les différentes religions a toujours été considérée comme un idéal au Sénégal, avec un fort pourcentage d’habitants musulmans. La sortie d’Ousmane Sonko mettant en garde les écoles contre le refus du voile à leurs élèves a suscité l’émoi de l’Église et de la communauté chrétienne, qui s’est sentie visée.
Le chef du gouvernement a déclaré lors d’une cérémonie célébrant les meilleurs élèves du pays qu’il y a des choses qui ne peuvent plus être tolérées dans ce pays. En France, on nous parle constamment de leur mode de vie et de leur style, mais cela leur est propre. Au Sénégal, nous ne permettrons plus à certaines écoles d’interdire le port du voile. Le 30 juillet.
Du fait de sa Constitution héritée de l’ancien colonisateur français, le Sénégal, qui a eu un président issu de la minorité chrétienne (Léopold Sédar Senghor, de 1960 à 1980), est un pays laïque qui utilise à la fois l’État et les religieux qui jouent un rôle important dans la stabilité du pays. Plusieurs types d’établissements assurent l’éducation des enfants: l’école publique accessible à tous, l’école privée catholique, et les écoles coraniques. Certains musulmans choisissent d’aller dans des écoles catholiques en raison de la qualité de leur enseignement.
Il n’y a pas d’interdiction officielle du voile dans les écoles, mais en 2019, une école catholique de Dakar a rejeté des lycéennes musulmanes en raison de leur voile. À Fadiouth, tout comme ailleurs au Sénégal, il y a une grande cohésion entre catholiques et musulmans. Située à environ 120 km au sud de Dakar, cette petite île compte environ 8.000 habitants et est célèbre pour son cimetière mixte qui réunit les deux communautés.
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Liens du sang
Au début de l’après-midi, la cloche de l’église résonne dans les rues étroites du village, parsemées de coquillages, formant un labyrinthe où des statues de grandes figures du christianisme, telles que la Vierge Marie, apparaissent ici et là. En même temps, des musulmans se rendent à la prière de 14H00.
Le chef du quartier Paul Diogoye, un chrétien, explique qu’ on est d’abord lié par le sang avant la religion. Ce n’est pas une surprise ici de voir, dans une même famille, des catholiques et des musulmans. Moustapha Ndour abonde: Nous sommes parents, pères, sœurs, avant même l’arrivée de la religion ou de la colonisation. Chaque fois qu’il y a une fête chrétienne, les musulmans donnent un coup de main, et vice versa. Il n’y a pas de limite dans cette coexistence pacifique. À Fadiouth, les paroles de monsieur Sonko, qui a été élu en promettant une rupture avec l’ancien système et un discours souverainiste, ont été largement critiquées par les chrétiens et par certains musulmans. Jean-Pierre se sent frustré par le ton menaçant employé par M. Sonko, qui témoigne de moments aussi houleux entre les deux communautés.Il estime que le Premier ministre visait l’Occident, en particulier l’ancien colonisateur français, dans ses propos. Cependant, il estime que l’église ne devrait pas être impliquée dans ce combat.
Il affirme que les nouvelles autorités sont des opposants au système. Elles sont radicales et pensent que tout ce que l’ancien colonisateur français a fait ici depuis toujours doit être modifié. Il critique qu’il ne faut pas qu’elles entraînent le peuple sénégalais dans cette logique. Dans le cimetière mixte, perché sur une colline verdoyante, on peut voir des croix et des pancartes marquées par des lettres du Coran. Près de là, un groupe de visiteurs chrétiens se recueille devant une sépulture fleurie en entonnant une oraison.
Dominique, une visiteuse venue de France, salue ce lieu unique et plein d’espoir. C’est un exemple pour le monde, en mettant en avant la mixité des religions et le vivre-ensemble. Il est essentiel de préserver ce vivre-ensemble, exhorte monsieur Diogoye, le chef de quartier. Il exhorte le nouveau régime à ne pas s’engager dans un débat religieux qui pourrait, selon lui, embraser le pays, tout comme de nombreux habitants de l’île.
Source: Iqna