Historique Du “Hijab” : Une enquête par Ayatullah Morteza Mutahhari

by Reza

SHAFAQNA – Ce qui suit est une partie du livre “La question du Hijab” de feu Ayatullah Morteza Motahhari, publié par Organization de Propagation Islamique.

Je n’ai de l’aspect historique de la question qu’une information incomplète: notre connaissance historique ne serait complète que dans la mesure où nous pourrions émettre une opinion relative à tous les peuples antécédents à l’Islam. Une chose est pourtant certaine, c’est que le “hijab” a existé au sein de certains peuples antérieurement à l’Islam.

Selon ce que j’ai pu lire dans les ouvrages s’y rapportant, le “hijab” a existé dans la Perse antique, chez le peuple juif et probablement en Inde, et y était plus strict que ce qu’en a énoncé la Loi islamique. Mais il n’existait pas dans l’Arabie païenne et apparut chez les arabes par l’intermédiaire de l’Islam.

Dans son Histoire de la Civilisation1, Will Durrant écrit au sujet du peuple juif et de la Loi du Talmud:
Si une femme transgressait la Loi juive – sortant par exemple tête nue en public, filant sur la voie publique, se confiant à n’importe quel genre d’homme ou élevant tant la voix en parlant chez elle que les voisins pouvaient entendre ses propos-, l’homme avait alors le droit de divorcer sans devoir restituer la dot.”

Ainsi, le “hijab” qui avait cours chez le peuple juif était beaucoup plus strict et plus sévère que le “hijab” islamique, comme nous l’expliquerons par la suite. Will Durrant écrit au sujet des anciens persans: “Au temps de Zoroastre, les femmes jouissaient d’un rang élevé et circulaient en public en toute liberté et de façon ouverte…2

Après Darius, écrit-il ensuite, la condition des femmes connut un déclin, en particulier au sein de la couche riche. Les femmes pauvres, nécessairement amenées à circuler parmi les gens pour travailler, préservèrent leur liberté. Mais en ce qui concerne les autres femmes, la réclusion qui leur était imposée en période menstruelle fut graduellement prolongée jusqu’à embrasser la totalité de leur vie sociale, et ceci est tenu pour la base même de la réclusion chez les musulmans.

Les femmes appartenant aux couches élevées de la société n’osaient plus sortir de chez elles que dans des palanquins couverts, et jamais il ne leur était permis d’être publiquement en relation avec des hommes; les femmes mariées n’avaient le droit de voir aucun homme, pas même leur père ni leur frère. Dans les fresques qui subsistent de la Perse antique, n’apparaît aucun visage de femme, et aucune allusion ne semble y être faite…

Comme vous le voyez, un “hijab” strict et sévère dans la Perse antique, à tel point que même le père et le frère devenaient étrangers à la femme mariée.

Selon Will Durrant, les sévères prescriptions appliquées conformément aux anciens usages et rites issus du Mazdéisme au sujet de la femme menstruée qui était prisonnière dans une pièce, tous s’en éloignant durant la période de ses menstrues et s’abstenant de toute relation avec elle, ont été la cause majeure de l’apparition du “hijab” dans la Perse antique. De telles prescriptions relatives à la femme menstruée étaient également appliquées chez les juifs.

Mais où veut-il donc en venir lorsqu’il dit: “Ceci est tenu pour la base même de la réclusion musulmans“?

Veut-il dire que la pratique du “hijab” chez les musulmans a elle aussi pour cause les âpres prescriptions appliquées au sujet de la femme menstruée?! Or nous savons tous qu’en Islam, de telles prescriptions n’existent pas et n’ont jamais existés. La femme menstruée y est seulement exemptée de certaines pratiques religieuses obligatoires comme la prière et le jeûne, et l’accouplement n’est pas permis avec elle durant la période de ses menstrues. Mais aucune sorte d’interdiction dans ses relations avec autrui ne contraint en pratique la femme menstruée à la réclusion.

Et s’il veut dire que le “hijab” d’usage parmi les musulmans est une pratique transmise aux autres musulmans par les iraniens après leur conversion à l’Islam, c’est là encore un propos erroné. Car les versets coraniques concernant le “hijab” furent révélés antérieurement à la conversion à l’lslam des iraniens.

Ces deux questions sont rendues intelligibles par les autres propos de Will Durrant, à savoir qu’il prétend à la fois que le “hijab” prit cours au sein des musulmans par l’intermédiaire des iraniens après leur conversion à l’Islam, et que le fait de s’abstenir de relations sexuelles avec la femme menstruée a influé sur le “hijab” des femmes musulmans ou, du moins, sur leur retraite:

La relation des arabes avec l’Iran, écrit-il, compta parmi les causes de l’instauration du “hijab” et de la pédérastie dans le monde de l’Islam. Les arabes s’effrayaient de la séduction de la femme, dont ils étaient éternellement épris, et compensaient son impact naturel par le soupçon commun des hommes quant à la chasteté et à la vertu féminines. Omar* disait à son peuple de délibérer avec les femmes et d’agir à l’encontre de leur avis. Mais au premier siècle de l’Islam, les musulmans n’avaient pas encore inséré la femme dans le “hijab”. Hommes et femmes se fréquentaient mutuellement, marchaient dans les rues côte à côte et faisaient la prière, ensembles dans la mosquée.

“Le “hijab” et la possession d’eunuques devinrent courants à l’époque de Walid II (126-127 de l’Hégire). La réclusion des femmes apparut du fait qu’elles étaient interdites aux hommes durant la période des menstrues, et des suites de couches.”3

Il dit ailleurs:

Le Prophète avait recommandé le port de vêtements amples, mais certains arabes négligèrent cette injonction. Dans toutes les couches sociales on portait des parures. Les femmes paraient leur corps de boléros, de ceintures brillantes, de vêtements amples et bigarrés; elles attachaient joliment leurs cheveux, les laissaient pendre de chaque côté de leur visage ou les faisaient tomber en nattes derrière leur tête; elles les enjolivaient parfois avec des fils de soie noire; elles se paraient souvent de pierres précieuses et de fleurs. Après l’an 97 de l’Hégire, elles se mirent à se couvrir le visage d’un voile partant de sous les yeux, et dés lors cette habitude prévalut ainsi.4

Will Durrant écrit au sujet des anciens perses:
Rien ne s’opposait à la possession de concubines. Celles-ci, comme les amantes grecques, étaient libres de paraître en public et d’assister aux festins des hommes, tandis que les épouses légitimes étaient ordinairement maintenues à l’intérieur des maisons. Cet ancien usage perse fut transmis à l’Islam.”5

Will Durrant s’exprime comme s’il n’avait pas existé, au temps du Prophète, le moindre commandement relatif au “couvrement” de la femme, et que le Prophète n’avait recommandé que le port de vêtements amples! Et que les femmes musulmanes, jusqu’à la fin du premier siècle et au début du deuxième siècle de l’Hégire, circulaient absolument sans “hijab”. Or il n’en fut assurément pas ainsi. L’histoire témoigne formellement du contraire.

Si la femme de l’Arabie païenne fut sans aucun doute telle que la décrit Will Durrant, l’Islam engendra une transformation en ce domaine. Aïcha* louait toujours les femmes “Ansar”* de la façon suivante: “Bravo aux femmes “Ansar”! Dés la révélation des versets de la sourate “La Lumière”, on n’en vit plus une se rendre au-dehors comme auparavant. Elles couvraient leur tête de foulards noirs, et il semblait que s’y étaient posés des corbeaux.”6

Dans les Traditions d’Abou Dawoud7, sont rapportés d’Oum Salama* des propos identiques, avec cette différence qu’elle dit: “Après la révélation du verset de la sourate “Les coalisés(“Ho, le Prophète! Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de ramener sur elles leurs voiles; C’est pour elles le meilleur moyen de ne pas se faire connaître et de ne pas être offensées”), les femmes “ansar”* agirent de la sorte.

Dans son ouvrage intitulé “Trois années en Iran“, le Comte Gobineau se montre convaincu lui aussi que le sévère “hijab” de l’époque de Sassanides* subsista chez les iraniens à l’ère de l’Islam. Il considère que la Perse Sassanide ne connut pas seulement le “couvrement” de la femme, mais également le fait de garder la femme cachée.

Il prétend que les caprices des prêtres zoroastriens et des princes de cette époque étaient tels que quiconque avait une belle épouse ne laissait personne prendre conscience de son existence, la cachant dans la mesure du possible, car s’il apparaissait qu’une telle femme vivait chez lui, il n’en serait plus le possesseur, ni à l’occasion celui de sa propre vie.

Jawãharlãl Nehru, ancien premier ministre de l’Inde, considère lui aussi que le “hijab” fut introduit dans le monde de l’Islam par les peuples non-musulmans- Rome et l’Iran. Dans son ouvrage “Regard sur l’histoire du monde“, au cours d’une apologie de la civilisation islamique, il fait allusion aux transformations qui apparurent par la suite, écrivant notamment:

Un changement important et regrettable se produisit également au fur et à mesure, et ceci concernant la condition des femmes. L’usage du “hijab” et du voile n’existait pas chez les femmes arabes. Celles-ci ne vivaient ni séparées des hommes ni cachées d’eux, paraissant au contraire dans les endroits publics, se rendant à la mosquée et aux assemblées de prédication, à quoi elles procédaient même elles-mêmes.

Mais sous l’effet de leurs victoires, les arabes empruntèrent graduellement de plus en plus une tradition qui existait dans deux empires voisins, l’Empire Romain Oriental et l’Empire Perse. S’ils écrasèrent l’Empire Romain et traitèrent avec l’Empire Perse, ils se soumirent néanmoins aux habitudes et aux moeurs déplaisantes de ces deux empires. Selon ce que l’on a raconté, ce fut en particulier sous l’effet de l’infiltration des empires byzantin et perse que s’instaura chez les arabes l’habitude de la réclusion des femmes et de leur séparation des hommes. Le système du “harem” s’instaura au fur et à mesure, et hommes et femmes se trouvèrent séparés les uns des autres.

De tels propos sont erronés. Simplement, par la suite, sous l’effet des relations des arabes musulmans avec les récents convertis non arabes, le “hijab” devint plus sévère qu’il ne l’était au temps du Noble Prophète, mais il serait inexact de dire que l’Islam n’a prêté à l’origine aucune attention au “couvrement” de la femme.

Il ressort des propos de Nehru que les romains -peut-être sous l’influence du peuple juif- connaissaient également le ‘”hijab”, et que la tradition du “harem” s’introduisit elle aussi à la cour des califes musulmans par Rome et par l’Iran. D’autres ont également confirmé ce point.

Un “hijab” strict et sévère régna également en Inde, mais y existait-il avant la pénétration de l’Islam en Inde, ou s’y instaura-t-il postérieurement, les hindous musulmans adoptant le “hijab” féminin sous l’influence des musulmans et en particulier des iraniens? Cela n’est pas tout à fait clair. Une chose est certaine, c’est que le “hijab” hindou a été strict et sévère comme dans la Perse antique. Il ressort des propos de Will Durrant, dans le second volume de son Histoire de la Civilisation, que le “hijab” s’instaura en Inde par l’intermédiaire des iraniens.

Nehru poursuit ainsi les propos rapportés plus haut: “Ce déplaisant usage devint hélas peu à peu une des caractéristiques de la société islamique, et l’Inde l’adopta elle aussi lorsque les musulmans y pénétrèrent.

D’après Nehru, le “hijab” s’est donc introduit en Inde par l’intermédiaire des musulmans.

Mais si nous considérons la tendance pour l’ascétisme et le renoncement au plaisir comme une des causes de l’apparition du “hijab”, il nous faut admettre que l’Inde a adopté le “hijab” depuis les temps les plus reculés, car elle a été un des centres séculaires de l’ascétisme et de la conception du caractère impur des plaisirs matériels.

“L’éthique sexuelle, dit Russell dans “Le mariage et la morale8, comme on le voit dans les sociétés civilisées, prend source à deux origines: la tendance patriarcale et la conviction ascétique du caractère vil de l’amour. Aux époques antérieures au Christianisme et dans les pays d’Extrême-Orient jusqu’à l’heure actuelle, l’éthique sexuelle découle uniquement de la première source. Y font exception l’Inde et l’Iran, où apparut manifestement la quête de mortification qui se dissémina à travers le monde entier.”

Quoi qu’il en soit, une chose certaine est que le “hijab” existait dans le monde antérieurement à l’Islam, qui n’en fut pas le promoteur. Quant à savoir si la limite du “hijab” islamique et du “hijab” existant chez les anciens peuples était ou non la même, et si la raison et la philosophie qui rendent le “hijab” nécessaire selon l’Islam sont ou non celles qui devinrent en d’autres endroits du monde l’origine de son apparition, ce sont là des questions dont nous allons parler en détail dans les chapitres suivants.

  • 1. Vol. 12, p. 30 de la traduction persane. Faute d’avoir pu accéder aux textes originaux, nous avons dû traduire les citations d’auteurs non persans à partir du persan (N.d.t.).
  • 2. Histoire de la Civilisation, vol. 1, p. 552.
  • 3. Ibid, Vol. 11 p. 112.
  • 4. Ibid, p. 111.
  • 5. Ibid, Vol. 10, p. 233.
  • 6. Al-Kach Châf, en commentaire du verset 31 de la sourate La Lumiére (24).
  • 7. Vol. 2, p. 382
  • 8. p. 135 (traduction persane).

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