Ghaleb Bencheikh: “Pas de religion à la Fondation de l’Islam de France”

by Pey Bahman Z

SHAFAQNA – TRT : Agé de 58 ans, il est une figure très connue parmi les acteurs de l’Islam en France. Fils de Cheikh Abbas, ancien recteur de la mosquée de Paris (1982-1989), Ghaleb Bencheikh est également animateur pour la radio France Culture.

La culture, c’est justement le mot d’ordre de l’impulsion qu’il souhaite donner à la Fondation. Dans un entretien accordé à Anadolu, il a accepté de revenir sur les prochains chantiers qu’il s’est fixé et les projets qu’il souhaite mener à bien.
Une institution “laïque et profane” à vocation culturelle 
Ghaleb Bencheikh le reconnait sans aucun détour, la FIF n’a aucune “vocation à représenter le culte musulman”. Il s’agit d’une “institution qui bénéficie de fonds publics” et qui ne peut donc pas avoir de dessein cultuel. C’est donc bien l’aspect culturel qui va concentrer les efforts de la nouvelle présidence. Les projets sont nombreux.
“Sous Jean-Pierre Chevènement, des bourses d’un montant global de 300 000 euros ont été octroyées à des étudiants en islamologie et nous souhaitons continuer” explique Ghaleb Bencheikh avant de préciser que la volonté de la FIF est “de ne pas laisser le discours à propos de l’Islam aux imams autoproclamés”. Il estime qu’il “y a lieu de laisser place à une approche critique” du fait islamique pour lui redonner “son prestige”.

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Il est également question, pour la FIF de se pencher sur “la formation des imams pour la partie profane”. Les responsables religieux se verront ainsi dispenser “des enseignements pour être au courant du patrimoine culturel et historique français”.
Parmi les sujets qui seront abordés, figurent “l’histoire des institutions et celle de la laïcité”. Si la fondation ne peut en aucun cas dispenser des enseignements religieux et théologiques, elle souhaite transmettre “des approches concernant les sciences de l’Homme et de la société qui ouvrent l’horizon des futurs imams”.
Ghaleb Bencheikh veut par ailleurs “donner un retentissement mondial” à l’exposition “Europe-Islam: 15 siècles d’Histoire” qui se tiendra en 2021.
Il confie “être à la recherche d’un espace de 15000 mètres carrés pour accueillir cette exposition. Il estime, en effet qu”il faudra récolter suffisamment de fonds pour faire de cet événement”, un rendez-vous “de beauté, d’esthétique, d’éducation, de culture et de savoir”.
Parmi les “nouveautés” prévues par la FIF, il est notamment question d’organiser “des colloques internationaux pour aborder les thèses cruciales que sont les thèses du fondamentalisme”.
Ghaleb Bencheikh veut que ces espaces proposent “un contre-discours public pour débattre des enjeux importants que sont la liberté de conscience, l’égalité entre les êtres, la désacralisation de la violence, l’autonomie de la raison critique”.
Une “université populaire itinérante” verra également le jour rapidement pour “incarner un espace de débats et d’échanges” dans tous les pays. Elle serait ouverte à tous “musulmans et non-musulmans afin de réconcilier les citoyens français entre eux”. Cette nouvelle structure permettrait d’en “finir avec les exclusions réciproques”, plaide Bencheikh qui veut “répondre par l’intelligence aux paroles de ceux qui voudraient nous apprendre ce qu’est l’Islam”.
Enfin, il est question pour la fondation de mettre en place une récompense sous forme de prix, qui serait octroyé à une personnalité qui mérite d’être mise en lumière pour “une oeuvre littéraire ou artistique dans le domaine de la culture islamique”. Ce prix sera décerné à celles et ceux qui “auront fait quelque chose de bien pour les cultures d’Islam”. Cette remise de récompense a vocation de s’inscrire dans “la vie culturelle française” précise Ghaleb Bencheikh.

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Comment sont organisés la gouvernance et le financement? 
La Fondation de l’Islam de France reçoit des fonds publics mais aussi des fonds privés. A ce titre, ce sont 11 membres qui siègent au sein du conseil d’administration. Ce conseil est constitué de “membres de droit” parmi lesquels, “le ministère de l’Education nationale, le ministère de la Culture et le ministère de l’Intérieur” ainsi que “les premiers donateurs bienfaiteurs que sont les groupes Aéroports de Paris, SNCF (Société nationale de chemins de fers français) et la société SPC Habitat.
Au delà de ces financeurs à qui “la fondation appartient”, un siège “est attribué au CFCM (Conseil Français du Culte Musulman) et les quatre sièges restants sont occupés par “des personnalités qualifiées et désignées par des propositions qui doivent être cooptées par les membres déjà en place”, rappelle Ghaleb Bencheikh qui a obtenu 10 voix sur 11 lors de son élection début décembre.
Le nouveau président de la FIF admet qu’il va “devoir prendre son bâton de pèlerin pour aller démarcher les uns et les autres” en espérant obtenir “des mécénats privés et des mécénats d’entreprises”. Et pour cause, les besoins financiers de cette structure sont colossaux au regard de ses ambitions et des projets qu’elle vise à mettre sur orbite.
Concernant la sélection des projets qui peuvent donner lieu à des subventions de la part de la FIF, il existe un comité au sein même de la structure, chargé d’analyser le dossier candidat et de le valider ou de le rejeter. Après validation, c’est au tour des administrateurs de donner leur feu vert pour l’octroi du financement. Ghaleb Bencheikh est clair sur le sujet “tous les profils sont les bienvenus et la porte de la FIF est ouverte à tous”.
Une fondation objet de nombreuses crispations 
Dans les rangs musulmans, la voix manquante du CFCM pour Ghaleb Bencheikh a été très commentée. Ce dernier estime que le CFCM ” a voulu se démarquer et il n’est pas nécessaire de s’y appesantir car les priorités sont ailleurs”.
Mais Ahmet Ogras, président du CFCM, n’est pas le seul à exprimer ses réserves. Le 11 décembre dernier, deux jours avant l’élection du nouveau président de la FIF, la plateforme L.E.S Musulmans, qui réunit de nombreuses personnalités reconnues de l’Islam en France telles que les imams Rachid Eljay, Abdelmonaïm Boussenna ou encore Cheikh Mohammed Minta, a publié un communiqué.
Dans son écrit, la plateforme, née en septembre 2018, estimait qu’il était “temps de rendre aux musulmans ce qui leur appartient” en nommant à la tête de la FIF, une personnalité de confession musulmane.
“La fondation, censée oeuvrer à l’amélioration de la condition des musulmans et à l’intérêt commun de l’ensemble des citoyens (…) a totalement échoué à impliquer les premiers concernés”, indique le communiqué avant de trancher en estimant que l’action de la FIF “est totalement inaudible des musulmans puisque ne les impliquant pas”. La plateforme proposait une idée simple qui était de “laisser les musulmans choisir” en permettant aux “candidats de soumettre un projet” qui serait ensuite sélectionné par les musulmans eux-même.

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Un imam réagissant sous couvert d’anonymat réclame par ailleurs un « éclaircissement sur le statut de la FIF pour que tout soit clair pour les Musulmans ». Il s’étonne que « la FIF se déclare laïque et profane alors qu’elle utilise dans son nom le mot Islam tout en affirmant ne pas faire d’activité cultuelle, c’est étrange ».
Les frustrations causées par la nomination d’un non-musulman en la personne de Jean-Pierre Chevènement en 2016 avaient été nombreuses. Beaucoup internautes sur les réseaux sociaux s’étaient élevés contre cette décision arbitraire et la jugeaient infondée et illégitime.
La question reste de savoir si le nouveau président réussira à convaincre les sceptiques malgré l’absence de consultation dans les rangs musulmans.
En effet, c’est finalement le processus interne à la FIF qui a permis le choix final et abouti à l’élection de Ghaleb Bencheikh qui, pour sa part, assure que sa “porte sera toujours ouverte à toutes les bonnes volontés qui souhaitent s’impliquer au sein de la fondation”.

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