En Égypte, des prédicatrices pour lutter contre l’extrémisme

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SHAFAQNA – Al-Azhar intègre officiellement la femme musulmane au champ religieux. Un progrès qui participe avant tout à la politique des autorités de lutte contre les discours radicaux.

Depuis 2014, le ministère égyptien des Affaires islamiques, en lien avec la prestigieuse université al-Azhar, prend des mesures afin de lutter contre l’extrémisme et les discours radicaux. Ainsi, 144 femmes ont été nommées prédicatrices par l’université, institution de référence pour les sunnites. L’objectif des autorités religieuses est de nommer deux mille prédicatrices avant fin 2017, loin des cinquante mille hommes actuellement imams en Égypte.

À l’instar du Maroc, l’État égyptien devient un des rares pays où les femmes peuvent désormais prêcher. Mesure annoncée en 2016, lors de l’Année internationale de la femme, les premières prédicatrices ont enfin été diplômées de l’université al-Azhar. Un grand pas pour la reconnaissance du rôle de la femme dans la société, une petite avancée en matière de lutte contre l’extrémisme. D’après l’analyse des autorités religieuses, une mère ou une épouse pourrait être responsable de la transmission d’idées régressives, voire radicales, au sein du foyer. Éduquer les musulmanes selon les préceptes de l’islam sunnite par le biais de prédicatrices officielles s’inscrit donc dans le combat global d’al-Azhar contre les discours radicaux.

Après un observatoire contre l’extrémisme, la fermeture de chaînes satellitaires et l’accueil de grandes conférences internationales pour la paix en Égypte, sans oublier la visite du pape François… porter une attention particulière aux femmes dans le processus de radicalisation semble être une priorité. « Casser les règles historiques des prêcheurs islamistes où il y a un monopole masculin, mais où la femme est aujourd’hui présente, c’est contrecarrer l’extrémisme et l’intégrisme par la femme aussi », analyse Riad Sidaoui, directeur du Centre arabe de recherches et d’analyses politiques et sociales (Caraps). Mais, loin d’avoir le rôle et les droits d’un imam, ces nouvelles prédicatrices ont seulement la fonction d’éducatrice. Leur mission est de démocratiser des sujets de société comme le mariage, les enfants, la sexualité, les menstruations ou même l’excision avec les fidèles. Bien qu’al-Azhar se place comme le représentant d’un islam modéré, rationnel et progressiste, pas question pour autant qu’elles bousculent les traditions.

Unifier le discours religieux

La volonté affichée des autorités religieuses est de récupérer le terrain de la prédication, et, de manière plus générale, le discours religieux, afin d’étouffer la tentation extrémiste. Depuis des décennies, des prêches informels, menés par des hommes ou des femmes, se sont mis en place en Égypte. Si les institutions religieuses sont lucides à ce sujet, elles cherchent aujourd’hui à s’immiscer dans un champ qui leur échappait afin d’éradiquer des discours extrêmes, au prix éventuel du contrôle de la sphère privée. « Le pouvoir politique peut être tenté d’imposer un contrôle plus fort, d’où une réforme sur les femmes », explique Naima Bouras, chercheuse au Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales (Cedej), basé au Caire. Mais une contradiction flagrante existe : « Des courants salafistes existent à l’intérieur même d’al-Azhar, et des femmes salafistes seront diplômées d’al-Azhar. Le problème d’al-Azhar, c’est avant tout que c’est une institution diplomatique, qui fait de la diplomatie religieuse », analyse Naima Bouras.

Si la nomination de prédicatrices participe à la politique de lutte contre l’extrémisme, la volonté d’unification du discours trouve aussi sa justification dans « la peur du pouvoir politique par rapport au champ religieux », interprète Naima Bouras. Le manque d’autonomie d’al-Azhar par rapport au pouvoir politique central mène la chercheuse à s’interroger sur la réelle efficacité de ces nominations et conclure que, « dans tous les cas, le domaine religieux reste lié au politique en Égypte ».

Source : L’Orient le Jour

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