Des responsables français visés par la justice rwandaise

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SHAFAQNA – Le procureur général du Rwanda a ouvert mardi 29 novembre une enquête sur le rôle d’une vingtaine de Français dans le génocide rwandais en 1994. Une accusation qui n’est pas sans arrière-pensées.

Cette démarche est-elle nouvelle ?

Depuis octobre 2016, la justice rwandaise a relancé l’enquête sur le rôle d’une vingtaine de responsables français dans le génocide rwandais en 1994. Kigali accuse régulièrement la France d’avoir collaboré avec le régime génocidaire hutu.

Le régime s’appuie sur les travaux de la commission Mucyo en 2008, mise en place par Paul Kagame pour rassembler les éléments de preuve montrant l’implication de l’État français dans la préparation et l’exécution du génocide contre les Tutsis en 1994. Elle a établi la liste d’une trentaine de politiques et militaires français impliqués dans la préparation et l’exécution de ce génocide.

Le 5 avril 2014, à la veille des commémorations du 20e anniversaire du génocide, Paul Kagame accusait la France dans l’hebdomadaire Jeune Afrique, d’avoir joué un « rôle direct dans la préparation du génocide » et d’avoir participé « à son exécution même ». La responsabilité de la France et de son armée dans l’extermination des Tutsis en 1994 est largement diffusée au Rwanda, en particulier dans les mémoriaux du génocide comme celui de Murambi.

Les accusations de Kigali sont-elles fondées ?

À partir de 1990, François Mitterrand, alors président, a bien engagé directement l’armée française au Rwanda pour secourir le régime hutu du président d’alors, Juvénal Habyarimana, malgré la dérive raciste et ultra-violente de son clan. Et en dépit de l’histoire de ce pays marquée, depuis son indépendance, par une série de pogroms anti-tutsi.

Pendant cette période, les soldats français ont effectivement empêché à plusieurs reprises le Front patriotique rwandais (FPR), le mouvement armé fondé en Ouganda par des exilés tutsis qui a pris le pouvoir en juillet 1994, de renverser Juvénal Habyarimana. Et enfin, des instructeurs français ont bien formé des unités rwandaises avant avril 1994 : des unités qui participeront aux massacres des Tutsis. En ce sens, François Mitterrand et ceux qui ont agi sous ses ordres, ont bien été des alliés du régime hutu avant qu’il ne commette le génocide.

Pendant le génocide, la France a adopté une position laissant entendre sa préférence pour ce régime : elle fut, par exemple, la seule à recevoir des délégués du gouvernement intérimaire. Et l’un de ses agents de l’ombre, Paul Barril, est impliqué dans une livraison d’armes à Kigali malgré l’embargo décrété par l’ONU. Pour autant, la participation de l’armée française dans la mise à mort des Tutsis, comme l’en accuse Kigali, n’est pas établie.

Enfin, les génocidaires ont effectivement profité du déploiement de l’armée française au Rwanda, à partir du 22 juin 1994 (opération Turquoise), pour gagner la RD-Congo.

Pour quelles raisons cette affaire resurgit-elle ?

Tant que la France ne déclassifie pas complètement ses archives, les zones d’ombre et les interrogations seront toujours de mises. Par ailleurs, la démarche du Rwanda n’est pas sans arrière-pensées. Elle intervient en réponse à la démarche récente du juge Herbaut, du pôle génocide et crimes contre l’humanité du TGI de Paris, qui veut entendre Faustin Kayumba Nyamwasa, membre fondateur du FPR et chef d’état-major de l’armée entre 1994 et 2002, dans l’affaire de l’attentat du 6 avril 1994 contre Juvénal Habyarimana : cet été, de son refuge d’Afrique du Sud, il avait affirmé que Paul Kagame en était l’instigateur.

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