Ahmedabad, la première ville indienne classée à l’UNESCO menacée par la pollution

by Reza

SHAFAQNA – AFP : Dans la vieille ville d’Ahmedabad, la fumée des pots d’échappement des rickshaws et des bus macule d’une grasse couche de suie des monuments vieux pour certains de 600 ans, dont la préservation pose un défi immense.

Située dans l’État du Gujarat, la terre de Gandhi, Ahmedabad, qui compte environ six millions d’habitants, est devenue en juillet la première ville indienne à être classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Une distinction octroyée par les États membres de l’UNESCO contre l’avis même des experts de l’institution onusienne, qui estiment que la municipalité n’a pas de plan durable de protection de son héritage.

L’enclave fortifiée d’Ahmedabad contient notamment la citadelle de Badhra, les célèbres fresques de pierre de la mosquée Sidi Saiyyed et nombre d’autres exemples d’architecture indo-musulmane, legs d’une riche histoire multiculturelle.

Les autorités espèrent que la reconnaissance de l’UNESCO redonnera sa fierté à la vieille ville aux rues jonchées d’ordures, que ses habitants quittent dès que l’occasion se présente pour emménager ailleurs. «Eux-mêmes feront aussi plus attention à ne pas salir l’endroit», veut croire P.K. Ghosh, président du comité de conservation du patrimoine de la municipalité.

Les familles qui entretenaient auparavant avec peine les maisons en bois sculpté partent désormais en masse, cédant aux sirènes du confort des quartiers plus modernes.

Résidante de longue date, Jagruti Vyas espère que ce classement de l’UNESCO entraînera la réhabilitation des anciens quartiers afin de les mettre au niveau des parties plus récentes de l’agglomération. «Au moins, dans la vieille ville, on vit tous en communauté, ce n’est pas comme ça ailleurs. Mais on espère aussi des changements, et que cette partie de la ville devienne plus propre», dit-elle depuis le seuil étroit de sa maison en bois.

Mais les trésors culturels d’Ahmedabad sont menacés, victimes du manque d’entretien des bâtiments historiques, de la pollution et de l’urbanisation sauvage.

Au cœur de la vieille ville, on ne distingue d’une mosquée médiévale que son dôme. Une jungle d’échoppes, de fils électriques et de bâtiments a illégalement poussé autour du monument, jusqu’à le dissimuler à la vue.

Des maisons anciennes ont été démolies et remplacées par des structures «totalement incongrues» sans continuité historique, explique M. Gosh. Grâce à l’UNESCO, «il y aura une application plus stricte des règles. Abattre des monuments d’une architecture raffinée ne sera désormais plus aisé», déclare-t-il.

Certaines poches historiques, qu’on découvre en se perdant dans le labyrinthe de ruelles, sont toutefois dans un état qui ne laisse aucun espoir de rénovation.

Négligées, des maisons traditionnelles tombent silencieusement en ruines. En octobre, un garçon a été blessé lorsqu’un balcon a cédé. Et cet été, au moins deux personnes ont péri dans des effondrements, selon la presse locale.

De grandes villas à la splendeur passée sont elles désormais louées à des migrants pauvres qui viennent s’y entasser ou à des commerçants qui cherchent un espace de stockage.

Architecte de la conversation du patrimoine et spécialiste de la vieille ville, Khushi Shah s’inquiète de voir disparaître à Ahmedabad «l’un des espaces urbains les plus riches d’Inde».

Le comité de conservation d’Ahmedabad a désormais trois ans pour répertorier environ 
3000 constructions à caractère historique – une tâche monumentale pour cette petite équipe.

Si les autorités échouent à prouver qu’elles ont enrayé la destruction et le déclin de la vieille ville, l’UNESCO peut en effet retirer l’étiquette de patrimoine mondial ou déclarer Ahmedabad «site en péril». «Obtenir le classement était une chose. Mais maintenant, être à la hauteur du défi est encore plus important», estime P.K.V Nair, membre du comité de conservation.

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