La demande de produits halal en France est en plein essor+ Photos

SHAFAQNA- La consommation de produits halal en France ne cesse d’augmenter, soutenue par une population musulmane estimée à plusieurs millions de personnes, et par l’intérêt croissant des consommateurs non musulmans pour une alimentation jugée plus éthique.

Néanmoins, cette évolution se produit dans un contexte politique et social tendu, où les pratiques religieuses musulmanes, en particulier l’abattage rituel, sont souvent au centre des polémiques. Le marché halal, estimé à plusieurs milliards d’euros, est devenu un secteur économique majeur, tout en suscitant des débats idéologiques sur la laïcité, l’identité et la liberté religieuse.

Essor historique et économique du marché halal français

L’immigration postcoloniale a eu un impact majeur sur l’histoire du halal en France. Depuis les années 1960, la reconstruction du pays après les guerres mondiales a été rendue possible grâce à une main-d’œuvre abondante, principalement venue d’Algérie, du Maroc et d’autres pays musulmans. Les travailleurs ont importé leurs habitudes alimentaires, ce qui a provoqué une demande croissante de viande halal. Au départ, cette consommation restait limitée, car les migrants étaient souvent logés dans des foyers collectifs et avaient de faibles moyens.

Dès les années 1990, un changement majeur se produit. Une nouvelle génération de Français musulmans, plus instruits et économiquement stables, cherche à concilier modernité et fidélité aux prescriptions religieuses. Ce consommateur musulman est plus exigeant en ce qui concerne la traçabilité et la certification des produits halal. En parallèle, les crises sanitaires, en particulier celle de la vache folle, ont renforcé la méfiance envers l’industrie agroalimentaire conventionnelle et ont encouragé la confiance dans les circuits halal, perçus comme plus transparents.

Afin de répondre à la demande croissante, les abattoirs sont modernisés, des lignes de production halal sont établies, des organismes de certification se multiplient, et la filière devient une véritable industrie. D’après certaines estimations, environ un quart des ovins abattus en France seraient selon le rite islamique. En parallèle, des enseignes de restauration rapide et de grande distribution, comme Quick ou Carrefour, intègrent des options halal dans leur offre, reconnaissant le potentiel économique de ce marché évalué à plus de 5 milliards d’euros dès 2016.

Cependant, cette expansion est accompagnée de débats politiques. En 2012, pendant la campagne présidentielle, la viande halal est devenue un sujet de discorde, manipulée par certaines personnalités politiques qui la percevaient comme une menace pour les valeurs républicaines. Le halal est devenu un symbole identitaire et un enjeu de société. Cependant, pour de nombreux jeunes musulmans, le fait de manger halal reste un choix personnel et une façon de réaffirmer leur autonomie culturelle sans renoncer à leur appartenance française.

Dans un contexte paradoxal, le marché halal français s’est consolidé en raison d’une demande soutenue et d’innovations commerciales, mais également en raison de suspicions persistantes et d’une surveillance accrue des pratiques religieuses.

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Croissance freinée par les restrictions et la méfiance

En France, le marché halal est un pilier de l’économie ethnique, mais il est confronté à des contraintes législatives et à un climat de défiance. En novembre 2020, le ministère français de l’Agriculture a mis en place de nouvelles règles sur l’abattage des volailles, demandant une sensibilisation accrue avant la mise à mort. Les représentants musulmans ont été attristés par cette mesure, car un choc électrique trop puissant peut causer la mort de l’animal avant la saignée, ce qui rend la viande non halal. Trois grandes mosquées, Paris, Lyon et Évry, ont officiellement exprimé leur opposition, dénonçant une entrave à la liberté religieuse.

Ces interdictions s’inscrivent dans un ensemble plus large de lois sur le séparatisme islamiste, promulguées sous la présidence d’Emmanuel Macron, dans le but de renforcer la cohésion républicaine. Cependant, de nombreux observateurs y perçoivent une forme d’influence sur la pratique du culte musulman. La durcissement des conditions d’abattage halal a également des conséquences économiques, plusieurs petits abattoirs ont été contraints de réduire leur production ou de recourir à des solutions coûteuses, telles que l’abattage mécanisé.

La confiance du public a été profondément ébranlée par les scandales de fraude à la certification, tels que celui de la marque Herta en 2011 (accusée d’avoir vendu des produits halal avec de l’ADN de porc). Même si l’entreprise a été blanchie, l’incident a laissé des séquelles. Ainsi, les grandes marques ont eu du mal à se faire une place dans ce secteur, laissant la place à des entreprises plus spécialisées comme Isla Délice, fondée en 1990 et désormais en tête du marché.

La montée du halal ne se limite pas à l’aspect économique, elle soulève également la question de la place de l’islam dans la société française. Pour de nombreux musulmans, maintenir sa consommation halal malgré la stigmatisation équivaut à affirmer une liberté fondamentale, celle de vivre sa foi dans le respect de la loi. Pour d’autres, en particulier chez certains responsables politiques, le halal représente une revendication communautaire qui va à l’encontre de la laïcité.

Malgré son énorme potentiel, le marché halal reste structurellement limité en France, ce qui explique pourquoi il prospère sur le plan économique, mais demeure encadré, surveillé et parfois freiné sur le plan institutionnel. Les entrepreneurs de la filière doivent faire face à un double défi, attirer de nouveaux consommateurs tout en préservant la légitimité religieuse de leurs produits.

Le succès du halal va au-delà de la sphère religieuse, il témoigne d’une volonté d’éthique, de transparence et de choix libre dans la consommation. Malgré les obstacles, sa croissance continue témoigne d’une transformation profonde du paysage alimentaire français. Le halal est perçu non comme un symbole de division, mais comme un symbole de pluralité et de modernité.

Source: Iqna

www.shafaqna.com

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