Solidarité. 300 000 personnes âgées en état de « mort sociale »

by Reza

SHAFAQNA- L’Humanité / Ixchel Delaporte: Les Petits Frères des pauvres ont présenté, hier, une étude sur la fracture sociale et territoriale subie par les plus de 60 ans. Un isolement permanent dont les pouvoirs publics ne se préoccupent pas assez.

L’invisibilité se fait progressivement et à bas bruit. Aujourd’hui, en France, on compte près de 300 000 personnes âgées en situation de « mort sociale ». C’est ce chiffre terrible qu’a dévoilé, hier, l’association des Petits Frères des pauvres lors de la présentation d’une étude, réalisée par l’institut CSA, auprès des plus de 60 ans. Rupture des liens sociaux, des relations affectives, familiales, de voisinage ou associatives… Une série noire à laquelle s’ajoute parfois un isolement territorial assignant les seniors dans leur logement. Des résultats jugés « inquiétants » par Alain Villez, président des Petits Frères des pauvres, pour qui la question de l’isolement social, révélée par les très nombreux décès de personnes âgées lors de la canicule de 2003, devrait préoccuper davantage le ministère des Solidarités et de la Santé.

Près d’une personne de plus de 60 ans sur dix se sent seule « tous les jours ou souvent ». Et, d’après le rapport, ce sentiment et cette vie recluse touchent fortement les plus de 85 ans. Au quotidien, les sondés expliquent qu’ils n’ont aucune personne sur laquelle compter. La traduction de cet isolement passe par le fait de moins sortir de chez soi et de faire moins d’activités : 78 % n’en pratiquent pas. Et pourtant, 74 % souhaiteraient voir se développer des loisirs adaptés. Sans compter les disparités territoriales qui viennent aggraver encore un peu plus les conditions de vie. Repérés comme la région la plus fragile, les Hauts-de-France comptent le pourcentage le plus élevé de personnes de plus de 85 ans isolées des réseaux associatifs (66 %).

Lancement de quatorze propositions pour lutter contre l’isolement

Malgré cela, d’autres chiffres s’avèrent plus rassurants sur l’état de la solidarité familiale en France. Peu de seniors se déclarent isolés du cercle familial (22 %). Dans les Hauts-de-France, seuls 17 % des seniors se disent coupés de leur famille. Un faible pourcentage dont se réjouit le sociologue et spécialiste du grand âge Michel Billé : « Contrairement au discours couramment admis, les familles sont présentes et positivement actives plus qu’on ne le croit. Recomposées, éclatées ou non, elles activent les liens affectifs et sociaux et permettent de faire entrave à l’isolement. » Autre point positif, les 60 ans et plus semblent largement heureux, même les plus âgés, puisque 84 % des plus de 85 ans s’estiment heureux. « En revanche, pondère le rapport, le manque d’autonomie dans la vie quotidienne et les faibles revenus renforcent le sentiment de malheur. » Parmi les personnes soutenues par l’association en 2016, 77 % ont des ressources inférieures à 1 000 euros mensuels et 10 % ont des revenus inférieurs à 500 euros.

« Dans ce contexte d’inégalités, la présence des services de proximité est un enjeu de taille pour maintenir un lien social, et surtout en zone rurale, insiste Alain Villez. Les commerces, les médecins, les services de transports dits secondaires jouent des rôles d’alerte pour ceux qui aspirent à rester chez eux. » Vieillir chez soi avec des aides à la vie quotidienne ? Un souhait partagé par 84 % des personnes sondées, contre 3 % qui se voient vivre dans une maison de retraite médicalisée. Il est donc logique qu’une majorité (90 %) se prononce aussi pour le maintien des commerces et des services à proximité comme moyen de lutte contre la solitude et l’isolement. Quasiment le même pourcentage en ce qui concerne le développement de solutions de transport adaptées et pour davantage d’informations sur les aides et les allocations financières.

Ces deux dernières réponses amorcent des pistes de réflexion. Car, au-delà des constats, l’association lance quatorze propositions pour lutter contre l’isolement. Et parmi elles, l’opposition farouche à la « marchandisation du lien social ». Armelle de Guibert, déléguée générale de l’association, est formelle : « Restaurer le lien social doit rester une démarche gratuite entre personnes qui ont fait le choix de se rencontrer. » Les entreprises commerciales qui s’engouffrent dans ce marché de la vieillesse excluent de fait par leurs tarifs les plus précaires et les plus isolés. À l’opposé des liens sociaux de qualité que tissent les bénévoles de l’association avec les plus âgés. Enfin, se doter d’une définition partagée de l’isolement social de manière à « mettre en œuvre des dispositifs et des solutions adaptées ».

You may also like

Leave a Comment

This site is protected by reCAPTCHA and the Google Privacy Policy and Terms of Service apply.

The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.