Le « Catéchisme de l’Eglise catholique » peut-il évoluer ?

by Reza
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SHAFAQNA – la-croix / Céline Hoyeau : Le Catéchisme de l’Église catholique peut-il évoluer ? C’est manifestement ce que le pape François a voulu souligner en rappelant mercredi soir 11 octobre, à propos de la peine de mort – jusque-là admise dans certaines circonstances par le Catéchisme, mais qu’il voudrait désormais bannir catégoriquement –, que « la Tradition est une réalité vive ». « Seule une vision partiale peut penser le”dépôt de la foi” comme quelque chose de statique (…) », a-t-il expliqué. « On ne peut conserver la doctrine sans la faire progresser. »

De fait, « on n’a cessé depuis les origines du christianisme de redire la foi en fonction des nouvelles cultures, des nouvelles questions, sensibilités et réalités », affirme Michel Castro, professeur de théologie fondamentale à la faculté de théologie de Lille. « Une tradition, si elle ne veut pas mourir, doit exprimer ses convictions dans un langage audible par ses contemporains, langage qui sera donc nécessairement nouveau. »

« On prête davantage attention à la personne dans sa singularité »

« La pénétration des valeurs évangéliques dans la conscience des hommes se fait dans le temps », ajoute le théologien jésuite Bernard Sesboüé (1), et il a fallu parfois un long chemin à l’Église pour clarifier progressivement « l’élément de vérité infaillible » inclus dans son propos. Ainsi, « on considère aujourd’hui qu’on peut trouver d’autres solutions que la peine de mort et la conscience humaine se révolte à l’idée de devoir tuer une personne pour le bien des autres. On prête davantage attention à la personne dans sa singularité. Cela semble incohérent de défendre la vie de sa conception à sa fin et de soutenir dans le même temps la peine de mort », énumère un théologien moraliste.

Expliquant encore le geste du pape François, un autre théologien souligne que « le dogme n’a cessé de se développer à la manière d’une plante. Parfois elle se déploie dans des ramifications et des sous-concepts qui deviennent de trop, et il faut tailler, ce que le pape François a fait, mercredi soir. Benoît XVI avait procédé de même en 2007, en supprimant la notion des limbes, sorte d’excroissance théologique qui n’avait plus lieu d’être. Certains éléments théologiques ont pu aider à mieux exposer la doctrine mais n’appartiennent pas forcément à la doctrine elle-même… »

Le « développement homogène du dogme »

L’Église catholique préfère parler toutefois non d’évolution, mais de « développement homogène du dogme », rappelle le père Jacques Ollier, enseignant à la faculté de théologie du Collège des Bernardins et curé de Saint-Étienne-du-Mont, s’appuyant sur la théologie du bienheureux cardinal John Henry Newman (1801-1890) qui a permis de formaliser ce processus à l’œuvre dans le christianisme depuis ses débuts.

« Le terme est impropre car il laisserait à penser que l’on passe d’une vérité à l’autre, sans qu’il y ait de rapport interne à ces vérités. Or si on parle de développement, comme pour une personne, c’est car nous croyons avant tout en un Dieu personnel et non en un message, l’identité de la Révélation reste la même, même si elle peut trouver une expression différente dans certaines de ses parties. »

Pour autant, le développement de la doctrine est-il toujours aussi homogène et linéaire ? Y a-t-il toujours continuité ou parfois rupture, comme dans le cas de l’esclavage, d’abord admis puis considéré comme contraire aux droits de l’homme et de la dignité humaine ? Ce subtil rapport à la vérité fait débat parmi les théologiens.

Prise en compte de nouveaux éléments

« La tradition théologique parlera de développement homogène, des esprits plus critiques diront que l’Église a changé d’avis sans vouloir l’admettre, relève un théologien. L’Église ne veut pas laisser croire que ce qui était dit auparavant était faux : c’était simplement partiel ou cela ne prenait en compte qu’un certain nombre d’éléments, d’autres ayant été découverts depuis, notamment grâce à l’expérience de foi du peuple chrétien. Ce n’était donc pas faux, c’était vrai dans le contexte de l’époque, mais d’autres éléments découverts depuis invitent à changer d’appréciation sur certains points. »

L’Église s’est dotée de critères canoniques de discernement balisant le périmètre de ce « développement ». Le Magistère, le premier, en est le garant. Et certains sujets se prêtent davantage à des interprétations et à des développements nouveaux que d’autres : ainsi la position de l’Église sur la peine de mort est plus susceptible d’évoluer que sa position sur la Trinité…

C’est le cas au fond de la plupart des questions de morale, qui se confrontent à des réalités contingentes changeantes. « Des catholiques s’inquiètent en lisantAmoris laetitia, poursuit le même théologien, pensant que la doctrine a changé. Elle n’a pas changé, mais l’Église prend en considération des éléments qu’on avait moins pris en compte avant, notamment la singularité des personnes. Le discours va changer même si la visée de fond reste la même. C’est la grande tradition du discernement. »


(1) Hors de l’Église pas de salut. Histoire d’une formule et problèmes d’interprétation, Desclée De Brouwer.

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