Le casse-tête de la taxation des signes extérieurs de richesse

by Reza

SHAFAQNA- France24 / Sébastian SEIBT: Avec la réforme de l’impôt sur la fortune, des biens de luxe tels que les voitures de sport ne seront plus pris en compte dans la taxation des plus riches. Pour y remédier, il faudrait procéder à l’évaluation des signes ostentatoires de richesses.

Les yachts, les jets privés, les lingots d’or ou encore les chevaux de course sont les nouvelles épines dans le pied du gouvernement français. Alors que la réforme de l’impôt sur la fortune (ISF) doit être discutée en séance publique à l’Assemblée nationale mi-octobre, des députés, aussi bien dans l’opposition que dans la majorité présidentielle, souhaitent muscler la taxation des “signes extérieurs de richesse”.

Le Premier ministre, Edouard Philippe, a déclaré qu’il était “ouvert à la discussion” sur ce point dans un entretien accordé au journal Libération. Les signes ostentatoires de richesses sont, en effet, les grands oubliés de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui remplacera l’ISF. Si rien n’est mis en œuvre, ils se retrouveront dans un vide juridique et fiscal qui fera le bonheur des grandes fortunes.

Un “débat surtout politique”

En effet, l’IFI ne prévoit de taxer que les biens immobiliers des très riches. “L’objectif initial est de sortir de la base imposable l’ensemble des biens productifs [l’argent investi dans l’économie réelle par l’intermédiaire d’actions ou de participations dans les entreprises]”, rappelle Alfred Lortat-Jacob, avocat au cabinet Cornet Vincent Segurel, contacté par France 24. Mais cette réforme ne tient pas du tout compte des “biens mobiliers non-productifs”, comme les yachts et autres caves à vins, qui entrent dans le calcul de la fortune des assujettis à l’ISF, mais dont l’existence échappera largement au fisc dès lors que seul l’IFI s’appliquera.

“C’est un débat surtout politique, car d’un point de vue budgétaire cela ne représente que quelques dizaines de millions d’euros de rentrées fiscales”, souligne à France 24 Eric Pichet, directeur du mastère spécialisé patrimoine et immobilier de la Kedge Business School. Mais difficile pour le gouvernement, déjà accusé d’avoir concocté un budget 2018 en faveur des riches, de se laisser entraîner sans réagir dans une nouvelle polémique sur des cadeaux aux grandes fortunes.

Mais encore faut-il savoir par quel bout prendre la taxation de cette richesse. Si l’idée est séduisante en théorie, elle risque de rapidement se transformer en chemin de croix fiscal et juridique. Il y a d’abord un problème de définition. “C’est compliqué car il faut trouver des critères objectifs pour déterminer ce qui entre dans la catégorie des signes ostentatoires”, note Alfred Lortat-Jacob. Si un yacht peut aisément être identifié comme tel, quid de la montre de luxe ?

Une solution serait de partir de l’article 168 du code général des impôts qui liste une douzaine d’éléments de train de vie des contribuables les plus aisés, comme la détention d’un cheval de course, de clubs de golf ou d’un droit de chasse. “C’est une base de travail qui peut être complétée”, reconnaît Éric Pichet.

Cacher cette cave à vins que le fisc ne saurait voir

Identifier les biens ne suffit pas. “Il y a trois autres problèmes : l’évaluation, la déclaration et le contrôle”, résume l’enseignant de la Kedge Business School. Comme dans le système actuel de l’ISF, lors de leur déclaration de patrimoine au fisc, les contribuables doivent pouvoir estimer correctement la valeur de leur cave à vins ou de leur voiture de sport qui commence à prendre de l’âge. Ils peuvent aussi très bien décider de cacher l’existence de leurs lingots d’or qu’ils conservent dans un coffre. C’est le problème du contrôle : l’administration fiscale envoie rarement ses agents vérifier le nombre de grands crus dans une cave.

Malgré les obstacles, l’avocat Alfred Lortat-Jacob estime que ne rien faire risque de se retourner contre Emmanuel Macron. Sa réforme de l’ISF vise à inciter les riches à investir davantage dans l’économie réelle, mais ces derniers pourraient être tentés d’acheter plutôt, par exemple, des belles bouteilles de vin qui pendront de la valeur et dont la possession ne serait plus taxée. C’est un investissement certes potentiellement moins rentable que de miser sur une start-up, mais aussi moins risqué. Pour éviter un tel scénario, l’avocat prône un accompagnement de la fin de l’ISF par des mesures supplémentaires pour inciter les grandes fortunes à soutenir les entreprises plutôt que les constructeurs de voitures de sport et de montres de luxe.

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