Arabie Saoudite : le prince investit 500 milliards pour créer une cité économique

by Reza
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SHAFAQNA – liberation /  Mélissa Kalaydjian : Construire, à partir de rien, une immense zone industrielle : c’est un nouveau projet titanesque qui s’ajoute à la liste des folles ambitions du prince héritier qui veut s’affranchir de la rente pétrolière.

«L’Arabie Saoudite sans pétrole, c’est inimaginable», affirme Jean-Pierre Séréni, journaliste spécialisé en économie. Les hydrocarbures représentent encore près de 90% des exportations saoudiennes et 70% des revenus du royaume. Pour autant, pas de quoi effrayer le prince héritier. Mohammed ben Salmane vient de lancer un nouveau projet fou : investir 500 milliards de dollars (soit 430,6 milliards d’euros) pour créer une cité économique futuriste, grande comme deux fois l’Ile-de-France, à partir de rien. Baptisé «NEOM», ce plan s’inscrit dans un élan de réformes économiques, politiques et sociales, lancées en 2016 et rassemblées dans un seul programme, «Vision 2030», qui vise à libérer le pays de sa dépendance au pétrole.

Voilà trois ans que l’Arabie Saoudite est frappée une stagnation du prix du baril. Résultat, le royaume enregistre des déficits budgétaires sans précédent : celui de 2016 s’est élevé à quelque 80 milliards d’euros, soit l’équivalent de 15% du PIB. Il était donc temps de s’atteler à une diversification de l’économie. Vision 2030 se donne quinze ans pour mettre fin à la rente pétrolière. Son financement repose essentiellement sur la mise en vente de 5% de Saudi Aramco, la plus grande compagnie pétrolière au monde, dont le prix total est évalué à 2 000 milliards de dollars (un montant supérieur au PIB annuel de l’Italie). Et la Chine, dévoreuse de matière première, serait prête à faire affaire avec Riyad, selon l’agence Reuters.

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Le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane (D) le 24 octobre 2017 à Ryad, avec Klaus Kleinfeld nommé à la tête du méga-projet NEOM / SPA/AFP/Archives

Rupture

Ce projet pharaonique est aussi le symbole de Mohammed ben Salmane. Depuis sa nomination en juin, le prince héritier se pose en homme fort du royaume. Il est d’abord celui qui a réussi à exclure les membres conservateurs de la famille. Et personne ne peut désormais lui faire contrepoids. Ce changement de gouvernance se traduit depuis 2016 par les promesses d’une Arabie Saoudite «modérée et ouverte», en rupture avec l’ultraconservatisme religieux. En témoigne la récente autorisation aux femmes de conduire. Les cinémas vont bientôt ouvrir et des Saoudiennes ont célébré la fête nationale mêlées aux hommes. Du jamais vu. «Le prince brise ces interdits sociaux sous prétexte d’impératifs économiques, le royaume a besoin que les Saoudiennes travaillent», souligne Stéphane Lacroix, chercheur au CERI et spécialiste de l’islam politique. Mais le royaume a beau concrétiser sa promesse de moderniser le pays, les arrestations massives sont encore monnaie courante.

Mohammed ben Salmane a également piloté une série d’arrestations de plusieurs prédicateurs conservateurs. «Le conservatisme à l’ancienne est moins partagé aujourd’hui par la société. Les jeunes sont plus ouverts, étudient davantage à l’étranger, notamment grâce au système de bourses mis en place en 2000. Mohammed ben Salmane l’a compris, et c’est ce qui fait sa force», poursuit l’expert. Le prince l’a d’ailleurs confirmé mardi, lors d’un forum économique international à Riyad : «70% de la population saoudienne a moins de 30 ans, et franchement, nous n’allons pas passer trente ans de plus de notre vie à nous accommoder d’idées extrémistes, et nous allons les détruire, maintenant et tout de suite», a-t-il lancé sous les applaudissements nourris des participants. Si le prince héritier drague autant les jeunes, c’est parce que sa vision d’une nouvelle Arabie Saoudite dépend exclusivement d’eux : le royaume n’a jamais investi dans des secteurs de pointe, qui exigent l’emploi d’une main-d’œuvre high-tech. Or pour ce faire, pas besoin de recruter des étrangers : la jeunesse saoudienne, qui se forme de plus en plus aux Etats-Unis, est dotée de la qualification nécessaire.

Ere post-pétrole

L’Arabie Saoudite parviendra-t-elle à basculer dans une prochaine ère post-pétrole ? «Le projet NEOM se fixe pour objectif de remplacer la rente pétrolière par une rente plus libérale, mais il y a toujours cette idée de rente», note Jean-Pierre Séréni. Si la transformation de l’Arabie Saoudite est encore loin d’être gagnée, il est difficile de nier le changement radical que souhaite porter Mohammed Ben Salmane. Un changement qui plus est accepté par la société. «Tout dépend si l’on veut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein», conclut Stéphane Lacroix. Le prince héritier reste en tout cas très confiant dans son nouveau projet titanesque. Il l’a rappelé devant son public mardi : «Seuls les rêveurs sont les bienvenus.»

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