Après l’EI, la minorité chiite du nord irakien prennent leur destin en main

by Reza

SHAFAQNA – Agence France-Presse : A l’entrée de Bartalla, un sapin de Noël se dresse encore sur le rond-point. A son pied, des posters célèbrent les “martyrs” chabaks: dans le nord de l’Irak débarrassé des jihadistes, minorités ethniques et religieuses ont pris leur destin en main.

Dans le village de Baz Gerkan, où la plupart des maisons ont été endommagées ou rasées par les combats, les habitants, de la minorité ethno-linguistique chabake, ont reconstruit leur école en se cotisant, et la cour de récréation y résonne de nouveau des jeux des enfants.

A quelques kilomètres de là, ils ont remis en état le sanctuaire de l’imam Rida, le huitième des douze imams de l’islam chiite, détruit à l’explosif par les jihadistes du groupe Etat islamique (EI), qui considèrent les chiites comme hérétiques.

Les chabaks, au nombre de 60.000 en Irak, ont leur propre langue et affirment être venus il y a plusieurs siècles du nord de l’Iran. Leurs lieux de culte, comme ceux des chrétiens, des Yazidis et d’autres minorités ont été visés par les jihadistes. Eux-mêmes ont été contraints de déserter leurs villages pendant les trois années d’occupation jihadiste.

– Lieux de culte reconstruits –

Les chrétiens ne sont plus aujourd’hui que 400.000 contre plus d’un million avant 2003, soit à peine plus de 1% de la population.

Aujourd’hui, plusieurs mois après la reprise de la totalité de la province de Ninive, des églises et des monastères ont été rénovés. Pour la première fois depuis quatre ans, des chants de Noël y ont de nouveau résonné.

Quant aux Yazidis, minorité kurdophone adepte d’une religion ésotérique monothéiste, ils sont parvenus à reconstruire 20 de leurs 23 temples détruits à l’explosif par les jihadistes dans la zone de Bachiqa, à l’est de Mossoul.

“Tout cela s’est fait grâce à des dons de Yazidis et d’autres habitants de la région”, assure à l’AFP Hilal Ali, en charge de ces lieux de culte.

Mouatassem Abed, 47 ans, a rejoint le Hachd al-Chaabi après l’appel en 2014 de la plus haute autorité chiite d’Irak, le grand ayatollah Ali Sistani, à combattre les jihadistes.

La “mobilisation populaire”, en arabe, est une coalition hétéroclite de groupes armés et d’unités de civils ayant pris les armes, placée sous l’autorité du Premier ministre.

Les combats terminés, Mouatassem regarde l’avenir. “Il faut reconstruire le sanctuaire (de l’imam Rida, ndlr) encore plus beau et encore plus grand, pour dire à l’EI qu’il n’a pas gagné”, affirme à l’AFP ce Chabak, emmitouflé dans une parka sur son uniforme.

Si la vie reprend tant bien que mal, partout, des check-points ont été installés mais les hommes en armes qui sont déployés sont de la région, généralement des membres des unités du Hachd issus des minorités des environs: Chabaks, Turkmènes, chrétiens, Yazidis.

Pour maintenir la sécurité sur le terrain, l’Irak, qui a annoncé en décembre la “fin de la guerre contre l’EI”, mise sur ces forces locales.

Ces combattants connaissent les lieux et les habitants, parlent leur langue et repèrent facilement tout intrus, plaident leurs commandants.

– ‘Même avant l’EI’ –

“Avant même l’EI, d’autres groupes terroristes, comme Al-Qaïda, ont cherché à chasser les minorités”, affirme à l’AFP Zein al Abidine Jamil, un commandant chabak du Hachd de la plaine de Ninive. A l‘époque, des zones entières échappaient au contrôle des forces gouvernementales.

Un policier, également Chabak de Bartalla, posté à un barrage dans le Vieux Mossoul, se souvient des années où il ne se rendait dans la ville qu’en escorte. “Mossoul, j’y allais en patrouille, mais jamais à titre personnel. Un chiite seul, ça aurait été de la folie!”, affirme-t-il à l’AFP sous le couvert de l’anonymat.

Minoritaires dans le pays, les sunnites constituent la majorité des habitants de Mossoul. Une petite communauté sunnite vivait également dans les villages alentour. Mais beaucoup ont rejoint l’EI et sont morts au combat, tandis que les autres et leurs familles ont fui, assurent les habitants.

Aujourd’hui, plusieurs mois après la reprise de la totalité de la province de Ninive, dont Mossoul est le chef-lieu, “nous sommes les responsables directs de la sécurité devant les citoyens”, affirme le commandant Jamil.

Ces combattants locaux ont été durant la bataille un atout pour les forces armées irakiennes, du fait de leur connaissance du terrain. Mais leur appartenance à des communautés martyrisées pourrait également mener à des règlements de compte sanglants, mettent en garde les organisations des droits de l’Homme.

Human Rights Watch (HRW) a récemment accusé des combattants yazidis d’avoir apparemment enlevé et exécuté 52 civils sunnites en représailles aux tueries, aux enlèvements et à l’esclavage imposé par l’EI à des milliers de Yazidis.

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